Atteinte portée aux droits voisins d’entreprise de communication audiovisuelle et de producteur sur les programmes

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La société P., distributeur de services de télévision, offre un service de diffusion en direct, gratuit et sans abonnement, de chaînes de télévision accessibles via Internet.
La société de programmes F., éditrice de chaînes de télévision, est titulaire, sur l’ensemble de ses programmes, des droits voisins reconnus aux entreprises de communication audiovisuelle par l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que des droits d’auteur et des droits voisins des producteurs de vidéogrammes sur les oeuvres qu’elle a elle-même produites.
La société F., constatant que ses programmes étaient proposés, sans son autorisation, sur le site internet de la société P. pour un visionnage en direct, ainsi qu’un accès à la télévision de rattrapage, qu’elle-même offrait déjà sur son propre site internet, a assigné la société P.
Celle-ci, se prévalant des dispositions de l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif à l’obligation de diffusion mise à la charge des distributeurs, a demandé qu’il soit enjoint à la société F. de conclure un contrat l’autorisant à diffuser ses programmes.

Dans un arrêt du 2 février 2016, la cour d’appel de Paris a condamné la société P. à payer une certaine somme à la société F. en réparation de l’atteinte portée à ses droits voisins d’entreprise de communication audiovisuelle et à ses droits d’auteur et droits voisins de producteur sur les programmes dont elle est productrice.
En premier lieu, selon la jurisprudence de l’Union européenne, « une entreprise qui propose le visionnage de programmes de télévision en flux continu et en direct sur Internet ne doit pas, en raison de ce seul fait, être regardée comme une entreprise qui fournit un réseau de communications électroniques utilisé pour la diffusion publique de chaînes de radio et de télévision ». Or, une entreprise telle que la société P. ne relève pas de cette situation.
En deuxième lieu, elle a rappelé que le distributeur de services de communication audiovisuelle, soumis en application de l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, à l’obligation de diffusion des chaînes publiques transmises par voie hertzienne, dite « must carry », est la personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à la disposition auprès du public par un réseau de communication électronique. Elle en a déduit que l’existence de relations contractuelles nouées avec l’éditeur de services de communication audiovisuelle est une condition de la mise en oeuvre de l’article 34-2, indépendante de la déclaration d’activité faite par le distributeur auprès du CSA.
En troisième lieu, ayant relevé que l’article 34-2 ne visait que les seuls services sur abonnement, la cour d’appel a constaté que la société P. ne proposait pas à l’internaute la souscription à un abonnement, mais n’exigeait qu’une simple inscription, entièrement anonyme, pour créer un compte sur son site.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société P., le 4 juillet 2019.
Elle estime que la cour d’appel a pu déduire de l’ensemble de ces constatations et appréciations, que la société P. n’était pas fondée à soutenir que les diffusions incriminées avaient été réalisées en application de l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

Par ailleurs, la cour d’appel a dit que la société P., en permettant d’accéder sur son site aux programmes diffusés par la société F. depuis son propre site grâce à des liens profonds et à la technique de la « transclusion », sans l’autorisation de cette société, s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon des droits voisins d’entreprise de communication audiovisuelle dont est titulaire France télévisions.
D’abord, les juge du fond ont précisé que la technique incriminée, dite de « transclusion », consiste à diviser une page d’un site Internet en plusieurs cadres et à afficher dans l’un d’eux, au moyen d’un lien Internet incorporé, dit « in line linking », un élément provenant d’un autre site en dissimulant l’environnement auquel il appartient. Ils ont retenu que les liens que la société P. a créés ne renvoient pas vers le site internet de la société F. sur lequel les émissions peuvent être visionnées, mais permettent au public, se trouvant sur son site internet, d’accéder directement à des oeuvres déterminées et de les visionner sur ce site après affichage d’une publicité insérée par la société P.
Ensuite, la cour d’appel constate que l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle soumet à l’autorisation de l’entreprise de communication audiovisuelle la reproduction et la télédiffusion de ses programmes. La société F. bénéficie, en sa qualité d’entreprise de communication audiovisuelle, du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public en ligne de ses programmes et des oeuvres diffusées sur son site internet.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel.