CEDH : annulation d’une assignation en diffamation imprécise

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Une patiente a saisit les autorités ordinales d’une plainte contre son médecin, finalement restée sans suite, dont elle a publié l’essentiel sur un site Internet.
Le médecin et son cabinet étaient notamment traités de voleurs et accusés de pratiques commerciales malhonnêtes, de publicité mensongère et d’abus de confiance.

Ce médecin a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme soutenant que l’assignation introductive d’instance qu’il avait fait délivrer devant le juge civil a été annulée dans son intégralité, au motif qu’elle n’était pas suffisamment précise au regard des exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle qualifiait certains faits à la fois d’insulte et de diffamation.
Soulignant qu’en l’état de la jurisprudence au moment de la rédaction de cette assignation, il était fondé à penser qu’une éventuelle difficulté affectant une partie seulement des faits poursuivis ne justifierait pas l’annulation de l’assignation dans sa totalité, et dénonçant un formalisme excessif et une application rétroactive d’un revirement de jurisprudence, il se dit victime d’une violation de son droit à un tribunal.

Dans un arrêt du 2 mars 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme constate, tout d’abord, qu’en imposant que « la citation précise et qualifie le fait incriminé », l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 vise à mettre le défendeur à même de préparer utilement sa défense dès la réception de la citation et, notamment, puisse, s’il est poursuivi pour diffamation, exercer le droit de formuler une offre de preuve dans le délai légal de dix jours à compter de la citation.
Ce formalisme a pour but non seulement « de préserver les droits de la défense de l’auteur des propos incriminés, mais aussi de garantir le respect de sa liberté d’expression ».
Selon la Cour, il s’agit là assurément de « buts légitimes au regard du droit d’accès à un tribunal » que garantit l’article 6 § 1.

S’agissant de la circonstance que l’annulation ne s’est pas limitée aux parties de l’assignation visant les faits doublement qualifiés mais a porté sur l’assignation dans son intégralité, le principe est que « la constatation de l’existence d’un grief emportait la nullité de l’acte en son entier » et « la nullité totale est encourue lorsqu’un fait unique est doublement qualifié ».

Par ailleurs, la CEDH estime qu’en effet, la limitation du droit du requérant à un tribunal aurait été moindre si, plutôt que d’annuler l’assignation dans son intégralité, les juridictions internes avaient restreint l’annulation aux propos doublement qualifiés.
Toutefois, elle rappelle qu’il faut mettre cet élément en perspective avec le fait que le but légitime poursuivi est la protection de droits fondamentaux d’autrui : la liberté d’expression et les droits de la défense de l’auteur des propos incriminés.

Ainsi, étant donné l’ampleur de la marge d’appréciation dont disposait la France, la Cour estime qu’en annulant l’assignation en diffamation délivrée par le requérant au motif qu’elle n’était pas suffisamment précise au regard des exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 en ce qu’elle qualifiait certains faits à la fois d’insulte et de diffamation, les juridictions internes n’ont pas limité son droit à un tribunal de manière disproportionnée.
Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.