CEDH : des dommages-intérêts excessifs et insuffisamment encadrés en matière de diffamation violent la liberté d’expression

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Un journal irlandais a publié plusieurs articles au sujet de marchés publics octroyés à une experte en relations publiques, faisant référence aux rumeurs de relations extraconjugales ayant favorisé l’octroi de marchés publics.
L’experte a alors intenté un procès en diffamation contre le journal qui a été condamné à lui verser des dommages-intérêts de plus d’un million d’euros.

Devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), le journal allègue une violation de sa liberté d’expression, soutenant que le montant de la réparation allouée était anormalement élevé, ce qui démontrait que les garanties nationales destinées à éviter que des montants déraisonnables soient octroyés à l’issue de procès en diffamation sont inadéquates.

Dans une décision du 15 juin 2017, la Cour relève que l’octroi de dommages-intérêts a entraîné une ingérence dans l’exercice par le journal de sa liberté d’expression qui n’était pas liée à la commission de l’infraction de diffamation.
Concernant le montant des dommages-intérêts en matière de diffamation, la CEDH retient qu’en première instance le juge n’a pas donné d’instructions suffisamment précises au jury quant à un montant approprié de dommages-intérêts pour réparer l’infraction de diffamation, au motif que la jurisprudence de la Cour suprême le lui interdisait. Les garanties en première instance se sont donc révélées ineffectives
Par ailleurs, en appel, malgré la réduction du montant initial, les nouveaux dommages-intérêts restent exceptionnellement élevés pour une sanction en appel, sans que la Cour suprême ne l’explique. Ainsi, la Cour estime que le défaut de motifs pertinents et suffisants a rendu la garantie au niveau de l’appel en partie ineffective.
La CEDH retient que l’octroi de dommages-intérêts déraisonnablement élevés peut avoir un effet dissuasif en matière de liberté d’expression, dont elle admet la violation en l’espèce, et conclut sur la nécessité de mettre en place des garanties adéquates au niveau national afin d’assurer la protection contre l’octroi de montants disproportionnés.