CEDH : intrusion grave dans l’intimité d’une journaliste d’investigation connue

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En Azerbaïdjan, une journaliste d’investigation a été la cible d’une campagne de dénigrement par les autorités publiques. Ayant découvert des caméras dissimulées dans tout son appartement, elle a intenté des actions en justice en ce sens, devant les juridictions locales. N’ayant pas obtenu gain de cause, elle a formé une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

Dans un arrêt du 10 janvier 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle que l’article 8 de la Convention impose à l’Etat l’obligation d’enquêter sur des actes qui ont fait affront à la dignité humaine de la requérante. La lettre de menace qu’elle a reçue, l’entrée sans autorisation dans son appartement suivie de l’installation de câbles et de caméras vidéo, l’enregistrement secret, à son domicile, d’images révélant les aspects les plus intimes de sa vie privée ainsi que l’humiliation publique que lui a ensuite infligée la diffusion de ces images, ont été constitutifs d’une atteinte grave, flagrante et extraordinairement intense à sa vie privée.

La CEDH constate que l’enquête que les autorités ont menée dans l’affaire a cependant été entachée de carences et de retards significatifs. Pourtant, les infractions commises contre la requérante ont résulté d’une opération qui avait manifestement été soigneusement planifiée et exécutée et qui avait nécessité une coordination de la part d’un certain nombre d’individus, ce qui offrait plusieurs pistes évidentes.

Par conséquent, elle estime que les autorités azerbaïdjanaises n’ont pas honoré l’obligation positive que leur imposait l’article 8 de la CESDH, de protéger la vie privée de la requérante à raison des carences significatives dans l’enquête et de la durée globale de la procédure dans son affaire. Elle ajoute que l’enquête elle-même a porté sur une intrusion injustifiée et flagrante dans la vie privée de la requérante, les autorités auraient dû davantage veiller à ne pas aggraver l’atteinte aux droits de celle-ci.

Par ailleurs, la Cour prend note du fait que la lettre de menace reçue par la requérante était liée à son activité de journaliste professionnelle. Elle tient également compte des informations concernant la situation générale des journalistes en Azerbaïdjan, notamment de leur persécution alléguée pouvant aller jusqu’à des agressions physiques, ainsi que de la perception que les responsables de ces actes bénéficient d’une impunité. La requérante elle-même a dit qu’elle craignait d’avoir été la victime d’une campagne qui aurait été orchestrée contre elle en représailles de son travail journalistique.
Elle conclut alors que les autorités n’ont pas non plus honoré l’obligation positive qui leur incombait au titre de l’article 10 de la CESDH de protéger la liberté d’expression de la requérante.