CEDH : l’interdiction de publier des images identifiables d’un homme accusé de meurtre est justifiée

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Deux entreprises de médias avaient couvert le procès pénal de M. S. Ce procès concernait un jeune homme qui avait avoué à la police avoir tué ses parents et qui avait été accusé de meurtre. Une expertise psychiatrique avait conclu que le jeune homme souffrait de troubles schizoïdes de la personnalité au moment de la commission de l’infraction. Des photojournalistes travaillant pour ces entreprises assistèrent aux audiences tenues devant le tribunal régional de Potsdam.

Avant le début de la première audience, le président de la formation de jugement informa les journalistes que le visage de l’accusé devrait être rendu non identifiable avant que des images de lui ne puissent être publiées. Celui-ci notait en particulier que les droits de la personnalité de M. S., qui n’avait jamais fait l’objet de l’attention du public et qui avait expressément demandé à ce que son identité ne soit pas révélée, l’emportaient sur l’intérêt du public à être informé.
Les entreprises requérantes contestèrent cette décision et demandèrent sa suspension, soulignant que M. S. avait avoué le meurtre dès le premier jour de la procédure. Le président maintint sa décision. 
Les entreprises portèrent l’affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale qui refusa d’examiner leur recours. 
Entre-temps, M. S. avait été reconnu coupable de meurtre.

Dans un arrêt du 21 septembre 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme estime qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 10 (liberté d’expression).
Le juge national a soigneusement mis en balance les intérêts en présence et a pris une décision proportionnée au but légitime visé, à savoir la protection des droits de la personnalité de l’accusé – qui n’était pas un personnage public – pendant son procès, durant lequel il devait être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
Elle observe que la décision litigieuse n’a pas fait peser de restriction particulièrement sévère sur l’activité de reportage puisqu’elle n’a pas limité la possibilité de prendre des images en tant que telle.
De plus, l’affaire pénale ne présentait qu’un intérêt public limité, et des informations relatives à l’apparence physique de M. S. n’auraient pas apporté de contribution importante au débat sur le procès.
Enfin, il faut tenir compte du fait que la publication d’images sur lesquelles l’accusé est reconnaissable peut nuire à la réinsertion ultérieure de l’intéressé dans le cas où celui-ci serait reconnu coupable.