CEDH : la Hongrie condamnée pour refus d’accès d’un journaliste à un centre d’accueil de demandeurs d’asile

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En septembre 2015, alors qu’il travaillait pour un portail d’information en ligne, un journaliste hongrois a sollicité auprès des autorités de l’immigration l’accès à un centre d’accueil pour demandeurs d’asile afin de rédiger un article sur leurs conditions de vie.
Bien qu’ayant précisé qu’il ne photographierait que les personnes qui y consentiraient et qu’il recueillerait leur accord écrit si besoin était, sa demande a été rejetée pour des raisons tenant à la vie privée et à la sécurité des demandeurs d’asile : bon nombre d’entre eux avaient fui la persécution et courraient donc un risque en cas d’exposition dans les médias.

Le tribunal administratif a jugé son recours irrecevable au motif que, ce refus n’étant pas une décision administrative, il échappait au contrôle du juge.

Invoquant notamment l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention EDH, le journaliste a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), estimant que les autorités l’avaient empêché de relater au moyen d’informations de première main les conditions dans le centre d’accueil pendant le pic de la crise des réfugiés en Hongrie.

Dans un arrêt du 8 octobre 2019, la CEDH voit dans ce refus des autorités hongroises une ingérence dans la liberté d’expression du journaliste. L’ingérence était prévue par la loi car elle était fondée sur l’article 2 de l’arrêté n° 52/2007 (XII.11) du ministère de la Justice, et elle poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la vie privée des demandeurs d’asile.

Cependant, la Cour estime que les raisons avancées à une telle restriction de la liberté d’expression du requérant, quoique pertinentes, n’étaient pas suffisantes.

S’agissant de la nécessité de protéger la vie privée des demandeurs d’asile, les autorités de l’immigration n’ont apparemment pas pris note de l’argument du journaliste selon lequel il ne prendrait de photographies qu’avec l’accord des intéressés. En outre, un reportage sur les conditions de vie dans le centre traitait d’une question d’intérêt public et ne recherchait pas le sensationnalisme.

En outre, ni les autorités internes ni le gouvernement n’ont indiqué en quoi exactement la sécurité des demandeurs d’asile aurait été concrètement compromise.

Par ailleurs, la CEDH ne partage pas l’avis du gouvernement selon lequel le requérant aurait tout aussi bien pu prendre des photographies et conduire des interviews à l’extérieur du centre d’accueil et se servir d’informations diffusées par des organisations internationales : aux yeux du public, des informations de seconde main n’auraient pas eu le même poids et n’auraient pas semblé fiables.

Enfin, compte tenu de l’importance dans une société démocratique de relater les questions revêtant un intérêt public considérable, en l’occurrence la crise des réfugiés en Hongrie, le refus d’accès opposé par les autorités n’a tenu aucun compte de l’intérêt pour requérant en tant que journaliste de conduire des recherches ni de l’intérêt pour le public de recevoir des informations de cette nature.