CEDH : nécessité d’encadrement juridique de la surveillance privée et secrète d’une personne par son assureur

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Victime d’un accident de la route, une ressortissante suisse demanda par la suite une pension d’invalidité.
Dans le cadre d’un litige avec son assureur quant au montant de cette pension, après plusieurs années de contentieux, ce dernier lui demanda de passer un autre examen médical de manière à évaluer à nouveau son état de santé, ce qu’elle refusa.
À la suite de cela, il engagea des détectives privés afin de la mettre sous surveillance en secret. Les preuves ainsi recueillies furent produites au cours d’un procès ultérieur, qui prononça la diminution du montant des prestations offertes à la victime.
Cette dernière estimait que cette surveillance était contraire à son droit au respect de sa vie privée et que ces preuves n’auraient pas dû être admises au cours du procès.

Celle-ci forma un recours contre les décisions de l’assureur. Dans un arrêt du 29 mars 2010, le Tribunal fédéral estima que l’assureur était fondé à demander à la victime un nouvel examen médical, que la surveillance était légale et que l’avis du neurologue était convaincant sur la question du droit de cette dernière à des allocations.

Saisie par la plaignante, la Cour  européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt du 18 octobre 2016, estima, vu l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, que la surveillance mise en place par l’assureur s’analyse en une violation du droit à la vie privée de la requérante.

Elle constate tout d’abord que, l’assureur étant un acteur d’un régime d’assurance public, considéré comme une entité publique, son action est imputable à l’Etat. De plus, l’ingérence menée dans la vie privée de la plaignante n’était pas « prévue par la loi » comme le prescrit l’article 8 § 2. Si la législation suisse permettait bien aux compagnies d’assurances de prendre les « mesures d’enquête nécessaires » et de recueillir les « informations nécessaires » en cas de réticence d’un assuré à livrer des informations, ces dispositions étaient insuffisamment précises. La surveillance de la requérante était donc contraire à l’article 8.

Concernant l’article 6 relatif au droit à un procès équitable, la Cour a jugé que l’utilisation des preuves obtenues au moyen de la surveillance dans le litige qui opposait la requérante à son assureur n’a pas rendu le procès inéquitable. Cette dernière avait dûment eu la possibilité de contester les preuves ainsi recueillies et les juridictions internes avaient motivé leurs décisions autorisant l’admission de ces pièces.