CJUE : appréciation de l’évocation d’une indication protégée dans l’esprit du consommateur moyen

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M. X. commercialise un whisky produit en Allemagne et portant la dénomination « Glen Buchenbach ». Il est notamment précisé sur la bouteille que le produit est allemand et fabriqué dans une région allemande.
Une association de défense des intérêts de l’industrie du whisky écossais a estimé que l’usage du terme « Glen » portait atteinte à l’indication géographique enregistrée « Scotch Whisky ». Pour elle, ce terme serait susceptible d’amener les consommateurs à faire un lien inapproprié entre cette indication géographique enregistrée et le produit allemand, provoquant ainsi une erreur quant à l’origine du whisky en cause. L’association a alors saisi le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) pour ordonner à M. X. de cesser l’utilisation du terme « Glen ». Le tribunal a alors posé une question préjudicielle à la CJUE pour lui demander d’interpréter la réglementation de l’Union sur la protection des indications géographiques enregistrées applicable aux boissons spiritueuses.

Dans une décision du 7 juin 2018, la CJUE éclaire l’interprétation des dispositions du règlement du 15 janvier 2008. L’article 16 a) de celui-ci précise que les indications géographiques enregistrées sont protégées contre les utilisations commerciales directes ou indirectes. Pour établir l’existence d’une « utilisation commerciale indirecte », il est nécessaire que l’élément litigieux soit utilisé sous une forme qui est soit identique à cette indication, soit similaire du point de vue phonétique et/ou visuel. Il n’est donc pas suffisant que cet élément soit susceptible d’éveiller dans l’esprit du public visé une quelconque association avec l’indication ou la zone géographique y afférente.

L’article 16 b) du règlement indique également que les indications géographiques enregistrées sont protégées contre les usurpations, imitations ou évocations. La CJUE souligne ainsi que pour déterminer s’il y a « évocation », il faut se référer à un consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Le juge doit ainsi déterminer si ce consommateur, en présence du nom du produit litigieux, pense directement à la marchandise bénéficiant de cette indication.
En l’espèce, le juge national devra vérifier si un consommateur européen moyen a directement à l’esprit l’indication géographique protégée « Scotch Whisky » lorsqu’il voit le whisky allemand portant la dénomination « Glen ».
En revanche, il n’est pas suffisant que la dénomination « Glen » éveille dans l’esprit du public visé une simple association avec l’indication géographique protégée ou avec la zone géographique concernée. L’important pour la CJUE est en effet que le consommateur ne soit pas trompé sur la qualité ou l’origine du produit. 

Enfin, la CJUE rappelle qu’afin d’établir l’existence d’une « indication fausse ou fallacieuse » interdite par le règlement, il n’y a pas lieu de tenir compte du contexte dans lequel l’élément litigieux est utilisé. En effet, il serait dangereux pour les opérateurs économiques et pour les consommateurs de permettre que cette appréciation prenne en compte de simples informations complémentaires ajoutées sur le produit.