CJUE : citation d’une œuvre protégée dans un compte rendu d’actualité

Actualités Legalnews ©

Un ancien membre du Bundestag (Parlement fédéral, Allemagne) est l’auteur d’un manuscrit relatif à la politique pénale en matière d’infractions sexuelles à l’égard des mineurs, lequel a fait l’objet d’une publication en 1988, sous un pseudonyme, en tant qu’article dans un recueil. En 2013, ce manuscrit a été découvert lors de recherches dans des archives et lui a été présenté alors qu’il était candidat aux élections législatives.
Considérant que le sens de son manuscrit avait été altéré par l’éditeur du recueil, l’auteur a, aux fins d’établir cette circonstance, mis son manuscrit à la disposition de différentes rédactions de journaux, sans toutefois consentir à la publication de celui-ci par ces rédactions. Il a, en revanche, publié le manuscrit et l’article du recueil sur son propre site internet, en indiquant sur ces documents qu’il prenait ses distances par rapport à ceux-ci.

Un magazine a publié sur son site internet un article affirmant que, contrairement aux prétentions de l’auteur, le message central de son manuscrit n’avait pas été altéré. Le site permettait, via des liens hypertextes, de télécharger les versions originales du manuscrit et de l’article publié dans le recueil.
L’auteur du manuscrit a contesté la légalité de cette mise à disposition devant les juridictions allemandes, soutenant qu’elle portait atteinte à ses droits d’auteur.

Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) notamment sur la portée de l’exception relative au compte rendu d’un événement d’actualité ainsi que de l’exception de citation, prévues par la directive sur le droit d’auteur, qui permettent à un utilisateur de se dispenser de l’autorisation du titulaire de ce droit.

Par son arrêt rendu le 29 juillet 2019, la CJUE rappelle au préalable que la protection du droit de propriété intellectuelle n’est pas absolue et qu’il faut, le cas échéant, tenir compte de la circonstance que le type de « discours » ou d’information en cause revêt une importance particulière, notamment dans le cadre du débat politique ou d’un débat touchant à l’intérêt général.

S’agissant de l’utilisation d’œuvres protégées pour rendre compte d’événements d’actualité (dans la mesure où cette utilisation est justifiée par le but d’information poursuivi et sous réserve d’indiquer, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur), la Cour juge que les Etats membres, dans le cadre de la mise en œuvre d’une telle exception ou limitation, ne peuvent pas subordonner celle-ci à l’exigence qu’il ait été préalablement demandé à l’auteur de donner son consentement.

En ce qui concerne l’exception de citation prévue par la directive, la Cour constate qu’il n’est pas nécessaire que l’œuvre citée soit incluse de manière indissociable, par exemple, par des retraits typographiques ou des reproductions en notes en bas de page, dans l’objet qui la cite. Au contraire, une telle citation peut aussi résulter de l’inclusion d’un lien hypertexte vers cette œuvre. Il faut toutefois que l’utilisation en cause soit effectuée conformément aux bons usages et justifiée par le but poursuivi.

Enfin, la Cour rappelle que l’exception de citation ne s’applique qu’à la condition que la citation en cause porte sur une œuvre qui a été licitement mise à la disposition du public. Tel est le cas lorsque l’œuvre, telle qu’elle se présente de manière concrète, a été préalablement rendue accessible au public avec l’autorisation du titulaire du droit ou en vertu d’une licence non volontaire ou encore en vertu d’une autorisation légale.

En l’espèce, il incombe au Bundesgerichtshof de vérifier si, à l’occasion de la publication initiale du manuscrit en tant qu’article dans un recueil, l’éditeur disposait, par voie contractuelle ou autre, du droit de procéder aux modifications éditoriales en cause. En revanche, à l’occasion de la publication du manuscrit et de l’article litigieux sur le propre site internet de son auteur, ces documents n’ont été licitement mis à la disposition du public que dans la mesure où ils étaient accompagnés des mentions de distanciation de l’auteur.