CJUE : interdiction de diffuser ou de retransmettre une chaîne de télévision en provenance d’un autre Etat membre

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Une société, enregistrée au Royaume-Uni, diffuse une chaîne de télévision lithuanienne (NTV) destinée au public lituanien et dont l’essentiel des programmes est en langue russe.

La commission lituanienne de la radio et de la télévision (LRTK) a adopté, conformément à la législation lituanienne, une mesure obligeant les opérateurs distribuant par câble ou Internet des chaînes de télévision aux consommateurs lituaniens, pendant une durée de douze mois, à ne plus diffuser la chaîne NTV que dans des bouquets payants.
La décision reposait sur le fait qu’un programme diffusé sur la chaîne en question contenait des informations qui incitaient à l’hostilité et à la haine fondées sur la nationalité envers les pays baltes.

La société a demandé l’annulation de cette décision faisant valoir que celle-ci violait la directive « Services de médias audiovisuels », qui oblige les Etats membres à assurer la liberté de réception et à ne pas entraver la retransmission sur leur territoire d’émissions télévisées en provenance d’autres Etats membres pour des raisons telles que les mesures contre l’incitation à la haine.

La juridiction saisie a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne si une décision, telle que celle adoptée par la LRTK, relève de cette directive.

Dans un arrêt du 4 juillet 2019, la CJUE constate que ne constitue pas une entrave au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive une mesure nationale qui, de façon générale, poursuit un objectif d’ordre public et qui régit les modalités de distribution d’une chaîne de télévision aux consommateurs de l’Etat membre de réception, dès lors que de telles modalités n’empêchent pas la retransmission proprement dite de ladite chaîne.
En effet, une telle mesure n’instaure pas un second contrôle de l’émission de la chaîne en cause s’ajoutant à celui que l’Etat membre d’émission est tenu d’effectuer.

La Cour souligne que la décision est fondée sur la loi lituanienne sur l’information de la société par laquelle le législateur lituanien entendait lutter contre la diffusion active d’informations discréditant l’Etat lituanien et menaçant sa qualité d’Etat afin, eu égard à l’influence particulièrement importante de la télévision sur la formation de l’opinion publique, de protéger la sécurité de l’espace de l’information lituanien ainsi que de garantir et de préserver l’intérêt public à être correctement informé.

La décision de la LRTK a été adoptée au motif que l’un des programmes diffusés sur la chaîne NTV contenait de fausses informations qui incitaient à l’hostilité et à la haine fondées sur la nationalité envers les pays baltes concernant la politique interne des pays baltes qui constituerait une menace pour la minorité nationale russe vivant sur le territoire de ces pays.
Ce programme s’adressait, selon la LRTK, de manière ciblée à la minorité russophone de Lituanie et visait, au moyen de diverses techniques de propagande, à influencer, de manière négative et suggestive, l’opinion de ce groupe social concernant les politiques intérieure et extérieure de la Lituanie, de l’Estonie et de la Lettonie, à accentuer les clivages et la polarisation de la société ainsi qu’à mettre l’accent sur la tension dans la région de l’Europe de l’Est créée par les pays occidentaux et sur le statut de victime de la Fédération de Russie.

La Cour de justice de l’Union européenne estime que, sur cette base, une mesure telle que celle en cause doit être considérée comme poursuivant, de façon générale, un objectif d’ordre public.

En outre, la LRTK et le gouvernement lituanien ont précisé dans leurs observations que la décision régit uniquement les modalités de distribution de NTV aux consommateurs lituaniens. Dans le même temps, il est constant que la décision ne suspend pas ou n’interdit pas la retransmission de cette même chaîne sur le territoire lituanien, car celle-ci peut, malgré ladite décision, toujours être légalement diffusée sur ce territoire et les consommateurs lituaniens peuvent toujours la visionner, pour autant qu’ils souscrivent à un bouquet payant.

Par conséquent, une mesure telle que celle en cause n’empêche pas la retransmission proprement dite sur le territoire de l’Etat membre de réception des émissions télévisées de la chaîne de télévision, visée par cette mesure, en provenance d’un autre Etat membre.
La Cour conclut donc qu’une telle mesure ne relève pas de la directive.