CJUE : la saveur d’un fromage ne peut être qualifiée d' »oeuvre »

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En 2007, un marchand de produits frais néerlandais a créé le « Heksenkaas », un fromage à tartiner à la crème fraîche et aux fines herbes, avant de céder à une société ses droits de propriété intellectuelle sur ce produit.
Considérant que la production et la vente d’un produit dénommé « Witte Wievenkaas » portaient atteinte à son droit d’auteur sur la saveur du « Heksenkaas », la société a saisi les juridictions néerlandaises. Elle soutenait que la saveur du « Heksenkaas » constituait une oeuvre protégée par le droit d’auteur et que la saveur du « Witte Wievenkaas » constituait en conséquence une reproduction de cette oeuvre.

Saisi en appel, le Gerechtshof Arnhem-Leeuwarden (cour d’appel d’Arnhem-Leuvarde, Pays-Bas) a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) si la saveur d’un produit alimentaire pouvait bénéficier d’une protection en vertu de la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur.

Dans son arrêt rendu le 13 novembre 2018, la CJUE indique que pour être protégée par le droit d’auteur en vertu de la directive, la saveur d’un produit alimentaire doit pouvoir être qualifiée d’ »œuvre » au sens de cette même directive. Cette qualification suppose que l’objet concerné soit une création intellectuelle originale et exige une « expression » de cette création. En effet, seules les expressions peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur, à la différence des idées, des procédures, des méthodes de fonctionnement ou des concepts mathématiques.

Ainsi, la notion d’ »œuvre » visée par la directive implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité.

En l’espèce, la Cour constate que la possibilité d’une identification précise et objective fait défaut : à la différence d’une œuvre littéraire, picturale, cinématographique ou musicale, l’identification de la saveur d’un produit alimentaire repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables. En outre, une identification qui permettrait de distinguer une saveur de celles d’autres produits de même nature n’est pas possible par des moyens techniques en l’état actuel du développement scientifique.

Dans ces conditions, la CJUE conclut que la saveur d’un produit alimentaire ne peut être qualifiée d’ »œuvre » et, partant, ne peut pas bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur en vertu de la directive.