CJUE : le logiciel VoIP permettant l’appel, depuis un ordi vers un fixe, est un service de communications électroniques

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La cour d’appel de Bruxelles (Belgique) a introduit une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du 25 novembre 2009 (directive-cadre).
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant une SARL à l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) au sujet de la décision de ce dernier de lui infliger une amende administrative pour avoir fourni un service de communications électroniques sans avoir préalablement procédé à la notification requise.

En l’espèce, une société édite un logiciel de communication qui permet à l’utilisateur l’installant sur un terminal (ordinateur, tablette, smartphone…) de bénéficier d’un service de téléphonie vocale et de téléconférence, d’appareil à appareil.
SkypeOut est une fonctionnalité ajoutée à son logiciel qui permet à son utilisateur de passer des appels téléphoniques depuis un terminal vers une ligne de téléphone fixe ou mobile, en utilisant l’Internet Protocol (IP) et, plus précisément, la technique dite « Voice over IP » (VoIP).
SkypeOut ne permet pas, en revanche, de recevoir des appels téléphoniques provenant d’utilisateurs de numéros de téléphone belges.
Le service fourni via SkypeOut est un service dit « hors offre du fournisseur d’accès à l’Internet », c’est-à-dire un service disponible sur Internet sans la participation d’un opérateur de communications traditionnel.
Ce service SkypeOut est à la disposition des utilisateurs selon deux formules tarifaires, à savoir une formule prépayée ou divers abonnements donnant droit à un volume déterminé d’appels téléphoniques par mois pour un prix récurrent.
L’utilisation de SkypeOut nécessite, techniquement, une connexion à Internet, fournie par un fournisseur d’accès à Internet (FAI) et l’intervention de fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le réseau téléphonique public commuté (RTPC), avec lesquels la société a conclu des accords et dont l’intervention est rémunérée par celle-ci sous la forme d’une charge de terminaison.

La société soutient qu’elle n’exerçait aucune activité en Belgique et qu’elle ne fournissait en tout état de cause aucun service de communications électroniques, tel que défini par la directive-cadre, dans la mesure où elle ne transmettait elle-même aucun signal. Elle indiquait, par ailleurs que, pour la fonctionnalité SkypeOut, elle faisait appel à des opérateurs internationaux qui acheminaient eux-mêmes les signaux.

L’IBPT indique que la société ne respectait pas l’obligation de notification concernant le service SkypeOut. L’IBPT faisait valoir que SkypeOut faisait bien partie d’un « service de communications électroniques », au sens de l’article 2, 5°, de la LCE.
En effet, tout d’abord, le fait qu’il soit fait usage d’un plan de numérotation établirait qu’il s’agit d’un service qui est davantage qu’une application web et qui ne relève pas de l’exception de contenu, telle que mentionnée dans la définition d’un service de communications électroniques.
Ensuite, le fait que la société n’assure pas le transfert de signaux sur les réseaux de communications électroniques ne l’empêcherait pas d’offrir effectivement de tels services.
Enfin, le service SkypeOut viserait les utilisateurs résidant sur le territoire belge.

Dans un arrêt du 5 juin 2019, la Cour de justice de l’Union européenne estime que l’article 2, sous c), de la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 doit être interprété en ce sens que la fourniture, par l’éditeur d’un logiciel, d’une fonctionnalité offrant un service « Voice over Internet Protocol » (VoIP), qui permet à l’utilisateur d’appeler un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation via le réseau téléphonique public commuté (RTPC) d’un Etat membre à partir d’un terminal, constitue un « service de communications électroniques », au sens de cette disposition, dès lors que la fourniture de ce service, d’une part, donne lieu à rémunération de l’éditeur et, d’autre part, implique la conclusion par ce dernier d’accords avec les fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le RTPC.