Destruction d’images pornographiques sur le fondement de la loi Informatique et libertés de 1978

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N’ayant pas de moyen de subsistance en arrivant à Paris, une jeune femme a accepté de participer au tournage d’une vidéo à caractère pornographique. Par la suite, elle s’est mariée et a eu deux enfants.
Un jour, elle constate que la vidéo est publiée sur un site internet sans son consentement. Elle s’adresse alors à la société de production qui lui confirme avoir retiré la vidéo.
Néanmoins, quelques années après, elle se rend compte que la vidéo est présente sur un autre site avec son nom, son âge, sa nationalité, ses pratiques sexuelles et son lieu de résidence.
La jeune femme fait alors intervenir une société de protection de la réputation sur internet qui prend contact avec le producteur. Ce dernier lui propose 700 euros pour un « rachat définitif » et 1.000 euros en cas de réponse non rapide.
Par un autre courriel, le producteur a renvoyé le contrat conclu entre la demanderesse et la société de production partiellement masqué auquel il a ajouté que le prix était désormais de « 1.300 euros ou je remettrai la vidéo en ligne ».
Dans un autre échange, il a invoqué la possibilité d’inclure cette vidéo dans la cession de son catalogue « à une grosse société américaine » et proposait un accord amiable pour éviter cette cession.

La demanderesse assigne le producteur en justice.
Elle se plaint du traitement automatisé de ses données personnelles, y compris celles ayant un caractère sexuel, ethnique et racial au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et qui trouve application « aux traitements automatisé de données à caractère personnel » définis par son article 2.
Elle fait également valoir que les défendeurs se seraient rendus coupables de chantage en menaçant de diffuser la vidéo à défaut de versement d’une contrepartie financière.

Les défendeurs estiment que la demanderesse leur a donné l’autorisation d’utiliser ces données en signant au bas du document intitulé « Autorisation du modèle (Décharge de responsabilité) ».

Le 21 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris juge que « le non-respect des dispositions de la loi précitée est en l’espèce caractérisé faute pour les défendeurs d’avoir informé la demanderesse et recueilli son autorisation ».

Selon les juges, « l’autorisation de modèle » qui ne fait aucune référence au traitement automatisé des données personnelles de la demanderesse, ne saurait caractériser ni l’information ni le consentement de la demanderesse exigés par les dispositions des articles 6 et 7 de la loi du 6 janvier 1978.
Par ailleurs, les défendeurs qui se sont opposés à effacer les données personnelles en question ont commis le délit prévu et réprimé à l’article 226-18-1 du code pénal sur le traitement de données malgré l’opposition de la personne concernée. 

En revanche, le tribunal ne donne pas gain de cause à la demanderesse sur le chantage figurant à l’article 312-10 du code pénal.
Néanmoins, le délit de menace à commettre un délit faite avec l’ordre de remplir une condition est constitué par l’indication que la vidéo pouvait être cédée à une société américaine. En effet, le transfert de données personnelles vers un pays n’assurant pas un niveau adéquat de protection est prohibé par l’article 226-22-1 du code pénal.

Le tribunal condamne donc le réalisateur du film et sa société de production à payer 15.000 euros pour la violation de la loi de 1978 et 15.000 euros supplémentaires pour le refus opposé à la suppression de ses données personnelles.
En plus de ces sommes, les juges condamnent les défenseurs à verser 2.000 euros de réparation pour menace de commettre un délit avec ordre de remplir une condition et 3.000 euros pour faux et usage de faux, pour les modifications apportées aux différentes versions du contrat.

La demanderesse obtient donc la destruction des images et des données la concernant sur le fondement de la loi Informatique et libertés de 1978.