Diffamation dans un éditorial : rechercher si les propos reprochés reposent sur une base factuelle suffisante ou non

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La société Les Laboratoires Z. a fait citer, du chef de diffamation publique envers un particulier, M. X., journaliste et directeur de publication, M. A., journaliste, M. D., auteur d’un entretien, et la société L. en qualité de civilement responsable, à la suite de la publication dans le journal tenu par la société L., de divers articles.
Le tribunal a prononcé la relaxe de M. A. et D. au bénéfice de la bonne foi, mais a déclaré M. X. coupable de diffamation publique à raison de la page une du quotidien et de l’éditorial susvisés.
Le prévenu et le civilement responsable ont, seuls, relevé appel.

Dans un arrêt du 20 mars 2014, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement et relaxé le prévenu.
Les juges du second degré ont retenu, d’une part, que les mots « Z. récidive » figurant en page une sont trop vagues pour être qualifiés de diffamatoires, et, d’autre part, que l’accusation portée est celle d’avoir falsifié des résultats et masqué certains effets indésirables, reproche dont il est fait constamment état dans les autres articles et passages poursuivis, et dont le tribunal, de même que la partie civile qui n’a pas interjeté appel, ont estimé qu’ils pouvaient être publiés puisque justifiés par une enquête sérieuse et contradictoire.

Les juges ont ajouté que, s’agissant d’un éditorial, la bonne foi ne peut être refusée ni au motif que les propos seraient dénués d’objectivité et d’impartialité, ni que leur auteur aurait manqué de prudence et de retenue dans l’expression, l’écrit en cause étant un billet d’humeur qui permet une plus grande liberté de ton et le recours à une certaine dose d’exagération voire de provocation.

La Cour de cassation casse l’arrêt le 15 décembre 2015 au visa de l’article 593 du code de procédure pénale.
Elle estime que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision en se déterminant par ces seuls motifs.
Selon la Haute juridiction judiciaire, la cour d’appel aurait dû « analyser l’ensemble des propos dont elle était saisie figurant en page une du journal ».
En outre, la cour d’appel aurait dû « mieux s’expliquer sur la prudence et la mesure dans l’expression de la part du prévenu qui imputait à la partie civile d’avoir érigé le mensonge et la manipulation en modèle économique afin de diffuser, par cynisme et à des fins purement mercantiles, des poisons violents » et aurait dû « rechercher si les propos reprochés, même figurant dans un éditorial et traitant d’un sujet d’intérêt général, reposaient sur une base factuelle suffisante en rapport avec la gravité des accusations portées ».