Diffamation : interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés

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A la suite de la publication d’un article portant sur l’enquête judiciaire relative au financement de la campagne du Front National pour les élections législatives de 2012, Mme B. a fait citer devant le tribunal correctionnel Mme Y., directrice de la publication du journal, du chef de diffamation publique envers un particulier à raison de deux passages. Les juges du premier degré, après avoir retenu le caractère diffamatoire des propos comme imputant à la partie civile d’avoir été bénéficiaire personnellement d’un système de détournement d’argent public, sont entrés en voie de condamnation contre Mme Y. qui a relevé appel de la décision.

Par un arrêt du 15 juin 2017, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement, renvoyé la prévenue des fins de la poursuite et débouté la partie civile de ses demandes en relevant que, selon les termes mêmes de la citation, la diffamation dont Mme B. s’estimait victime réside non pas dans l’imputation d’avoir pu tirer profit, en tant que présidente du Front National, d’un financement frauduleux de ce parti, mais dans celle d’avoir bénéficié personnellement des fonds détournés. Or les juges ont considéré que le système de détournement évoqué dans l’article litigieux concerne le financement dudit parti et non un mode d’enrichissement personnel.

Le 11 décembre 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. La Haute juridiction judiciaire, s’appuyant sur l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, déclare qu’en matière de presse, la citation directe délivrée à la requête de la partie lésée ne fixe irrévocablement les termes de la poursuite qu’en ce qu’elle précise les propos incriminés, les qualifie et indique le texte de la loi sur la liberté de la presse applicable.
En l’espèce, les juges étaient tenus d’examiner si les propos poursuivis par Mme B. ne renfermaient pas l’insinuation que celle-ci aurait tiré profit, en sa qualité de présidente du Front National, des agissements frauduleux imputés à ce parti politique, voire aurait eu une part de responsabilité dans ces faits.