Diffusion du film de sensibilisation à la trisomie 21

Actualités Legalnews ©

Un message de sensibilisation à la trisomie 21 intitulé « Chère future maman » a été diffusé sur M6, D8 et Canal+, à plusieurs reprises entre le mois de mars et d’avril 2014, dans le cadre d’écrans publicitaires. Ce court film se présente comme un message adressé à une femme enceinte qui vient d’apprendre que le fœtus qu’elle porte est atteint du syndrome de Down (trisomie 21). Il met en scène des enfants et adolescents atteints de ce syndrome qui déclarent être heureux et pouvoir exercer de nombreuses activités.
A la suite de cette diffusion, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, par une délibération du mois de juin 2014, estimé que ce film ne constituait ni un message publicitaire ni un message d’intérêt général au sens que la réglementation donne à ces termes. Il en a déduit que ce film ne pouvait être inséré au sein d’écrans publicitaires. Le président du CSA a ainsi invité les responsables des trois chaînes de télévision concernées, par un courrier du mois de juillet 2014, à veiller, à l’avenir, aux modalités de diffusion de tels messages.
En juillet 2014, le CSA a diffusé un communiqué par lequel il a précisé la portée de sa démarche, soulignant qu’il n’avait pas entendu gêner la diffusion à la télévision de ce film, dont il a relevé la contribution positive à la lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, mais seulement voulu attirer l’attention des responsables des services de télévision sur le fait que son insertion au sein d’écrans publicitaires était « inappropriée ».
Des particuliers et des associations ont alors contesté, devant le Conseil d’Etat, la légalité de la délibération du mois de juin 2014 et du communiqué du mois de juillet 2014.

Le 10 novembre 2016, le Conseil d’Etat a rejeté les recours dirigés contre ces mesures.
Il a précisé que le décret du 27 mars 1992 dispose que les séquences publicitaires doivent, à la télévision, être distinctement séparées du reste du programme. Il a ajouté qu’il en résulte qu’il n’est normalement possible de diffuser que des messages publicitaires pendant ces séquences publicitaires. Le Conseil d’Etat a toutefois rappelé qu’une dérogation est prévue pour les « messages d’intérêt général », pouvant être diffusés pendant une séquence publicitaire alors même qu’ils n’ont aucun caractère publicitaire.
Il a par ailleurs considéré que la présentation d’un point de vue positif sur la vie personnelle et sociale des jeunes atteints de trisomie répond à un objectif d’intérêt général. Le Conseil d’Etat a toutefois rappelé que le CSA a estimé que le film, bien qu’il réponde à un tel objectif d’intérêt général, a aussi une « finalité qui peut paraître ambiguë », dès lors qu’il se présente comme adressé à une femme enceinte, confrontée au « choix de vie personnelle » de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse et qu’il est, en raison de l’ »ambiguïté » relevée, « susceptible de troubler en conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, avaient fait des choix de vie personnelle différents ». Le CSA en a conclu que ce film ne constitue pas un « message d’intérêt général » au sens que la réglementation donne à ce terme et qu’il est tout à fait possible de le diffuser à la télévision, mais qu’il est inapproprié de le diffuser au sein de séquences publicitaires.
Le Conseil d’Etat a donc estimé qu’en agissant ainsi, et compte tenu de son pouvoir de régulation, le CSA n’a pas commis d’erreur dans l’application de la réglementation. Il a conclu que, puisqu’il s’est borné à indiquer que la diffusion du film dans des séquences publicitaires est inappropriée, le CSA n’a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.