Droit au déréférencement pour un expert-comptable condamné pénalement

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M. X., expert-comptable et commissaire aux comptes, a été déclaré coupable d’escroquerie et de tentative d’escroquerie et condamné.
Deux comptes-rendus d’audience relatant cette condamnation pénale ont été publiés sur le site Internet d’un journal.

Soutenant que ces articles, bien qu’archivés sur le site du journal, étaient toujours accessibles par le biais d’une recherche effectuée à partir de ses nom et prénom sur un moteur de recherche, et reprochant à la société exploitant de ce moteur de recherche d’avoir refusé de procéder à la suppression des liens litigieux, M. X. l’a assignée aux fins de déréférencement.

Dans un arrêt du 6 décembre 2017, la cour d’appel de Paris a rejeté la demande de déréférencement formée par M. X.
Les juges du fond ont retenu que, si l’infraction d’escroquerie au préjudice de l’administration fiscale a été commise par l’intéressé dans la sphère privée, il n’en reste pas moins que le référencement des liens litigieux conserve un caractère pertinent en raison de sa profession, dès lors que celui-ci est amené, en sa qualité d’expert-comptable, à donner des conseils de nature fiscale à ses clients et que ses fonctions de commissaire aux comptes appellent une probité particulière.
Ils ont ajouté qu’en tant que membre d’une profession réglementée, M. X. doit être considéré comme ayant un rôle dans la vie publique.
Ils en ont déduit que l’intérêt des internautes à avoir accès à l’information relative à sa condamnation pénale, en lien avec sa profession, doit prévaloir sur le droit à la protection des données à caractère personnel de M. X.

Dans un arrêt du 5 juin 2019 (pourvoi n° 18-14.675), la Cour de cassation a sursis à statuer.
Elle a constaté que le Conseil d’Etat, saisi de requêtes sur le droit au déréférencement de telles données, avait renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) plusieurs questions préjudicielles à ce sujet. La décision à venir de la CJUE étant de nature à influer sur la solution du pourvoi, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer jusqu’au prononcé de celle-ci.

Il découle de l’arrêt de la CJUE du 24 septembre 2019 que, lorsqu’une juridiction est saisie d’une demande de déréférencement portant sur un lien vers une page internet sur laquelle des données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté sont publiées, elle doit, pour porter une appréciation sur son bien-fondé, vérifier, de façon concrète, si l’inclusion du lien litigieux dans la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, répond à un motif d’intérêt public important, tel que le droit à l’information du public, et si elle est strictement nécessaire pour assurer la préservation de cet intérêt.

Suivant le principe énoncé par la CJUE, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, le 27 novembre 2019.
Elle estime que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en se déterminant comme elle l’a fait.
Elle aurait dû rechercher si, compte tenu de la sensibilité des données en cause et, par suite, de la particulière gravité de l’ingérence dans les droits de M. X. au respect de sa vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel, l’inclusion des liens litigieux dans la liste des résultats était strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès aux pages internet concernées, à défaut de quoi serait caractérisé un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile.