Droit d’usufruit du conjoint survivant d’un artiste

Actualités Legalnews ©

Un sculpteur est décédé, laissant pour lui succéder ses trois enfants issus d’un premier mariage ainsi que sa seconde épouse.
Reprochant notamment à cette dernière d’avoir vendu, sans leur accord préalable, des tirages en bronze posthumes numérotés et d’avoir fait réaliser des tirages à partir de modèles en plâtre non divulgués, les trois enfants l’ont assignée en déchéance du droit d’usufruit spécial, dont elle était titulaire en application de l’article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle (CPI), et en contrefaçon.

La cour d’appel de Paris a dit que l’épouse était en droit d’aliéner les tirages en bronze sans l’accord des nus-propriétaires en ce qui concerne l’oeuvre divulguée. Elle a retenu qu’en faisant un tirage et en le vendant, l’usufruitier ne faisait qu’exercer le droit d’exploitation qui lui est conféré par l’article L. 123-6 du CPI.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 22 mai 2019, elle rappelle qu’aux termes de l’article L. 123-6 du CPI, dans sa rédaction alors en vigueur, pendant l’année civile en cours et les 70 années qui suivent le décès de l’auteur, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé.

La Haute juridiction judiciaire ajoute que selon une jurisprudence constante, les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme l’oeuvre elle-même émanant de la main de l’artiste. En effet, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels l’oeuvre s’incorpore et qui en assurent la divulgation, portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Dès lors, dans la limite de douze exemplaires, exemplaires numérotés et épreuves d’artiste confondus, ils constituent des exemplaires originaux et se distinguent d’une simple reproduction.

Il en résulte que les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’usufruit du droit d’exploitation dont bénéficie le conjoint survivant.