Manifestations du 1er mai : le tweet de Christophe Castaner n’était pas une « infox »

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Le 1er mai 2019, le tweet suivant a été publié par le compte du ministère de l’Intérieur, faisant référence à l’intrusion de manifestants dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière :
« Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital.
On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger.
Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République ».

Deux députés ont assigné en référé la société Twitter France aux fins de l’enjoindre, au visa de l’article L. 163-2 du code électoral, créé par la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, de retirer ce tweet dans le but de faire cesser la diffusion d’allégations ou d’imputations présentées comme inexactes et trompeuses. Ils soutenaient en effet que ces événements n’avaient jamais eu lieu. Le ministre est intervenu volontairement à la procédure.

Dans un jugement en état de référé du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris estime que s’il appartiendra à l’enquête « de démêler les intentions des manifestants qui semblent avoir forcé les grilles de l’hôpital (…), il est acquis que le service de réanimation n’a pas fait l’objet d’une attaque par les manifestants qui sont restés à l’extérieur du bâtiment et que le personnel soignant n’a pas été blessé ». Pour se prononcer ainsi, le juge se base sur divers témoignages et sur la manière dont la presse a relaté les faits. Il considère que si le message litigieux « apparaît exagéré en ce qu’il évoque le terme d’attaque et de blessures, cette exagération porte sur des faits qui, eux, sont réels, à savoir l’intrusion de manifestants dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 1er mai 2019. »
Ainsi, l’information n’étant pas dénuée de tout lien avec des faits réels, la condition selon laquelle l’allégation doit être manifestement inexacte ou trompeuse n’est pas remplie.

Au-delà des considérations relatives au contenu de l’information diffusée, l’article L. 163-2 du code électoral fixe des critères tenant à l’ampleur et aux modalités de diffusion, laquelle diffusion doit être cumulativement massive, artificielle ou automatisée (contenus sponsorisés ou promus au moyen d’outils automatisés) et délibérée, et opérer sur un service de communication au public en ligne. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Enfin, le juge des référés apprécie le caractère manifeste du risque d’altération de la sincérité du scrutin, lié à la diffusion de ce tweet. Les demandeurs exposaient que les propos du ministre visaient à faire croire à un climat de violence pour faire jouer le ressort de la peur et du chaos, ce qui ne pouvait que perturber la campagne des élections européennes.
Le juge considère à cet égard que si le tweet litigieux « a pu employer des termes exagérés (…), il n’a pas occulté le débat, puisqu’il a été immédiatement contesté, que de nombreux articles de presse écrite ou internet ont indiqué que les faits ne se sont pas déroulés de la manière dont l’exposait Monsieur Christophe Castaner et que des versions différentes ont surgi, permettant ainsi à chaque électeur de se faire une opinion éclairée, sans risque manifeste de manipulation. »

En conséquence, le juge des référés estime que les conditions posées par l’article L. 163-2 du code électoral ne sont pas remplies et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de retrait.