Perquisition réalisée au domicile d’un gardé à vue en présence d’un journaliste

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Au cours d’une enquête préliminaire, la police, sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD), a procédé, en novembre 2015, à une perquisition au domicile d’un homme sans l’assentiment de celui-ci. Un journaliste a assisté à cet acte d’enquête, qu’il a partiellement filmé, interviewant également le responsable du service enquêteur. Le reportage ainsi réalisé a été ultérieurement diffusé sur une chaîne de télévision, en décembre 2015. Mis en examen, en novembre 2015, l’homme a déposé, en janvier 2016, une requête en nullité des actes d’investigation et, spécialement, de la perquisition et de sa garde à vue, ainsi que des actes subséquents, pour défaut d’impartialité des enquêteurs, violation du secret de l’enquête, atteintes à sa présomption d’innocence et au droit au respect de sa vie privée.

Le 27 juin 2016, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a écarté les moyens de nullité pris de la réalisation d’un reportage télévisé pendant la perquisition, énonçant que, faute que la personne mise en examen ait demandé au juge d’instruction de visionner ledit reportage, les images présentées comme des captures d’écran n’ont pas de valeur probante et les propos prêtés au chef du service d’enquête et aux journalistes restent à l’état d’allégations. Elle a ajouté que le nom du mis en examen n’est lisible sur un des clichés que par un procédé technique permettant l’agrandissement du document filmé, que l’intéressé, dont le visage est flouté ou qui apparaît de dos, ne peut être reconnu et que les propos tenus par le chef du service d’enquête ne le désignent pas nommément comme coupable des faits.
La chambre de l’instruction a par ailleurs écarté le moyen de nullité tiré d’une violation du secret de l’enquête lors de la perquisition réalisée au domicile de la personne gardée à vue en présence d’un journaliste, qui a filmé le déroulement de cet acte. Elle a retenu que l’avocat de l’intéressé n’a pas formulé, dans les conditions prévues à l’article 63-4 du code de procédure pénale, d’observations écrites à cet égard, mais a attendu pour ce faire l’interrogatoire de première comparution de son client. Elle a ajouté qu’aucune image ni aucun détail ne permet d’identifier l’intéressé, dont le nom n’est visible, sur un bordereau de remise de chèques apparaissant à l’image, que par un procédé technique ayant consisté en un agrandissement ultérieur de celle-ci. La chambre de l’instruction de la cour d’appel en a déduit qu’aucune atteinte aux droits de la défense n’est caractérisée.

Le 10 janvier 2017, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, au visa de l’article 593 du code de procédure pénale. Elle a précisé que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. Elle a ajouté que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
En l’espèce, la Cour de cassation a estimé qu’en se déterminant ainsi, sans visionner, comme elle y était invitée, le reportage litigieux, dont des captures d’écran portant le logo d’une chaîne de télévision figuraient en pièces jointes à la requête, accompagnées d’un hyperlien présenté comme permettant ce visionnage, ou sans ordonner la production dudit reportage sous une autre forme, à titre de vérifications concernant la demande dont elle était saisie, aux fins de lui permettre d’apprécier la légalité des conditions d’exécution des actes, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.

La Cour de cassation a également cassé l’arrêt de la cour d’appel, au visa des articles 11 et 56 du code de procédure pénale, ensemble l’article 76 de ce code. Elle a indiqué qu’il résulte du premier de ces textes que constitue une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction concomitante à l’accomplissement d’une perquisition, portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne, l’exécution d’un tel acte par un juge d’instruction ou un officier de police judiciaire (OPJ) en présence d’un tiers qui, ayant obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin, en capte le déroulement par le son ou l’image. Elle a ajouté que selon les deux derniers de ces textes, qu’à peine de nullité de la procédure, l’officier de police judiciaire a seul le droit, lors d’une perquisition, de prendre connaissance des papiers, documents ou données trouvés sur place, avant de procéder à leur saisie.
En l’espèce, la Cour de cassation a estimé que la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ses propres constatations qu’un journaliste, muni d’une autorisation, a assisté à une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue et a filmé cet acte, y compris en ce qu’il a permis l’appréhension de documents utiles à la manifestation de la vérité, visibles à l’image et qui ont été immédiatement saisis et placés sous scellés.