Preuve : production d’éléments portant atteinte à la vie privée

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Un artisan a été victime d’un accident corporel, la charpente surplombant le puits qu’il réparait s’étant effondrée sur lui.
Au cours des opérations d’expertise judiciaire diligentées à sa demande, il a invoqué des troubles de la locomotion.
Contestant la réalité de ces troubles, la propriétaire de la maison où l’accident s’est produit et son assureur ont, à l’occasion de l’instance en indemnisation du préjudice en résultant, produit quatre rapports d’enquête privée.

Le 9 avril 2013, la cour d’appel de Caen a rejeté la demande de la victime tendant à voir écarter des débats ces rapports.
L’arrêt relève que chacune des quatre enquêtes privées a été de courte durée et que les opérations de surveillance et de filature n’ont pas, au total, dépassé quelques jours, de sorte qu’il ne saurait en résulter une atteinte disproportionnée au respect dû à la vie privée de la victime. 

Le 25 février 2016, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 9 du code civil, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile, au motif que « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».
La Cour de cassation souligne que « les investigations, qui s’étaient déroulées sur plusieurs années, avaient eu une durée allant de quelques jours à près de deux mois et avaient consisté en des vérifications administratives, un recueil d’informations auprès de nombreux tiers, ainsi qu’en la mise en place d’opérations de filature et de surveillance à proximité du domicile de l’intéressé et lors de ses déplacements ».
Elle considère « que, par leur durée et leur ampleur, les enquêtes litigieuses, considérées dans leur ensemble, portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée [du requérant] ».