QPC : contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence

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Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016.
Le premier alinéa de cet article 8-1 permet, dans les zones dans lesquelles l’état d’urgence a été déclaré, au préfet d’autoriser, par décision motivée, les officiers de police judiciaire et, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire et certains agents de police judiciaire adjoints à procéder à des contrôles d’identité, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

La Ligue des droits de l’Homme reprochait à ces dispositions de permettre qu’il soit ainsi procédé à ces mesures, sans que la décision d’y recourir soit subordonnée à des circonstances ou à des menaces particulières ni qu’un contrôle juridictionnel effectif puisse s’exercer à leur encontre. Il en résultait, selon cette association, une violation de la liberté d’aller et de venir, du droit au respect de la vie privée, du principe d’égalité devant la loi et du droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi qu’une méconnaissance par le législateur de sa compétence de nature à affecter ces droits et libertés.

Dans sa décision rendue le 1er décembre 2017, le Conseil constitutionnel relève que, si les dispositions contestées font obligation au préfet de désigner précisément les lieux concernés par ces opérations, ainsi que la durée pendant laquelle elles sont autorisées, qui ne peut excéder 24 heures, et si elles rendent applicables à ces opérations certaines des garanties applicables aux inspections, fouilles et visites réalisées dans un cadre judiciaire, il peut être procédé à ces opérations, dans les lieux désignés par la décision du préfet, à l’encontre de toute personne, quel que soit son comportement et sans son consentement.

Le Conseil constitutionnel juge que, s’il est loisible au législateur de prévoir que les opérations mises en œuvre dans ce cadre peuvent ne pas être liées au comportement de la personne, la pratique de ces opérations de manière généralisée et discrétionnaire serait incompatible avec la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. Or, en prévoyant que ces opérations peuvent être autorisées en tout lieu dans les zones où s’applique l’état d’urgence, le législateur a permis leur mise en œuvre sans qu’elles soient nécessairement justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public dans les lieux en cause.

Ainsi, faute que le législateur ait assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public, et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel prononce la censure de l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955.
Afin de permettre au Parlement, le cas échéant, d’adopter un nouveau dispositif conforme aux exigences constitutionnelles, la date de l’abrogation de cet article est reportée au 30 juin 2018.