Validité de l’assignation en matière d’infractions de presse : exception à l’application rétroactive de la jurisprudence nouvelle

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Une commune a confié à une société, par une délégation de service public, la construction et l’exploitation d’un crématorium. Cette société et plusieurs personnes ont assigné les membres d’un collectif et l’hébergeur d’un site en raison de la diffusion d’un tract et d’une pétition mise en ligne sur Internet, contenant des propos diffamatoires à leur égard.

Le collectif a soulevé la nullité de l’assignation, en raison d’un défaut de mention du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation allégués.

Le 6 avril 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia.
La Haute juridiction judiciaire précise, au visa de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que l’assignation doit préciser et qualifier le fait incriminé, ainsi qu’indiquer le texte de loi applicable, à peine de nullité.
Elle rappelle qu’à l’époque des faits de l’espèce, la seule omission de la mention de la sanction pénale encourue dans l’assignation n’était pas de nature à en affecter la validité. En 2013, un revirement de jurisprudence a été effectué, l’omission de mention du texte édictant la peine encoure entrainant désormais la nullité de l’assignation.
Elle précise ensuite que le principe de la rétroactivité de la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit aux litiges en cours, écartant la jurisprudence ancienne. Ce principe pouvant affecter irrémédiablement la situation des parties de bonne foi par rapport au droit applicable à la date de leur action, le juge doit donc évaluer les inconvénients justifiant une exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence au cas par cas. Il recherche pour cela, une disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients.
Enfin, elle décide qu’en l’espèce, les assignations ont été délivrées à une date à laquelle les demandeurs ne pouvaient pas prévoir l’obligation nouvelle de mention du texte édictant la peine encourue. Elle estime que l’application immédiate de ce revirement de jurisprudence au litige en cours priverait les parties d’un procès équitable, au sens de l’article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, en leur interdisant l’accès au juge. Ces assignations ne doivent donc pas être annulées.