Une société qui exploite un service Web consistant à proposer aux clients dun site partenaire après la passation dune commande a assigné un site web pour dénigrement, en tant quéditeur pour larticle publié et qu’hébergeur pour les commentaires liés à l’article.
Ce site, visant à informer les consommateurs sur de potentielles arnaques sur Internet, a publié un article à l’encontre de la société largement diffusé par les réseaux sociaux et qui a fait beaucoup réagir les internautes.
Dans un jugement du 16 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris rappelle que, selon la Cour de cassation, pour qu’il y ait dénigrement, il faut constater l’une de trois conditions suivantes :
– que linformation en cause ne se rapporte pas à un sujet dintérêt général ;
– que linformation en cause ne repose pas sur une base factuelle suffisante ;
– que linformation en cause ne soit pas exprimée avec une certaine mesure.
Le tribunal constate que le sujet abordé dans l’article, à savoir les pratiques relatives aux cash-back payant, sinscrit dans un débat dintérêt général.
Le tribunal relève également que larticle incriminé décrit en termes clairs et pédagogiques la pratique du cash-back payant et quil y a là incontestablement une base factuelle complète et suffisante sur cette pratique.
Toutefois, il note que le rédacteur de larticle a, dans le choix des termes quil utilise, manqué de mesure et de prudence, a outrepassé son droit de libre critique, et sest ainsi montré ouvertement dénigrant à lencontre de la société.
Ainsi, le tribunal juge que larticle publié sur le site web est dénigrant et constitue une faute de la part du site envers la société, ce qui engage sa responsabilité en tant quéditeur.
Il condamne le site soit à supprimer purement et simplement larticle litigieux, soit à le modifier en supprimant ou modifiant toutes les mentions ou expressions dénigrantes quil a utilisées et dont il fournit une liste exhaustive.
Par ailleurs, le tribunal rappelle que la responsabilité de l’hébergeur peut être engagée s’il s’avère que celui-ci a eu effectivement connaissance du caractère illicite des messages hébergés ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il a eu cette connaissance, il n’a pas agi promptement pour retirer ces données ou en rendre laccès impossible.
Le tribunal relève que les commentaires accompagnant l’article sont critiques et expriment la déception des internautes face aux pratiques de la société. Il constate que les termes utilisés sont incontestablement dénigrants.
Le tribunal note que les commentaires des internautes, qui séchelonnent sur une période de deux ans et demi, sont accompagnés de commentaires du rédacteur de larticle ainsi que de réponses et d’interventions de la « responsable relation client » de la société, où à plusieurs reprises lors de ces échanges, ces derniers se donnent la réplique.
Le tribunal indique également que la société a procédé à deux mises en demeure du site web.
Compte-tenu de tout cela, le tribunal considère que le site web était parfaitement informé du grief formé par la société à son encontre et quil porte donc la responsabilité des commentaires diffusés et de leur caractère dénigrant.
Cette faute engage la responsabilité du site web en tant quhébergeur des commentaires.
Le tribunal condamne le site soit à supprimer purement et simplement les commentaires des internautes, soit à masquer, cest-à-dire rendre non lisibles, les termes dénigrants qui y figurent et dont il fournit une liste exhaustive.