Appréciation du refus de publication d’une réponse pour atteinte portée aux intérêts d’un tiers

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Dans cette espèce, la Haute juridiction judiciaire donne des clés de lecture pour apprécier l’un des rares motifs qui puissent justifier un refus au droit de réponse en matière de presse : l’atteinte portée aux intérêts d’un tiers.

Un magazine a publié un article portant sur une affaire de corruption. Ce billet évoquait les accusations de M. X., chirurgien-dentiste radié de l’ordre à la suite de poursuites disciplinaires engagées par le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, qui revendiquait qu’un des magistrats ayant statué sur sa radiation avait reçu des sommes importantes de la part du Conseil national de l’ordre. Celui-ci a alors fait paraître, dans son mensuel de diffusion national, un article dans lequel il s’insurgeait du caractère intolérable de ces accusations. M. X. a alors adressé à M. Y., directeur de publication du périodique, une réponse destinée à être publiée où il expliquait qu’il s’était fondé sur des éléments vraisemblables et qu’il ne pouvait donc pas lui être reproché de s’être interrogé sur l’existence d’un procès équitable. Cette réponse n’a cependant pas été publiée et M. X. a saisi le juge des référés pour voir ordonner son insertion forcée et obtenir le paiement d’une indemnité provisionnelle.

Dans un arrêt du 18 juillet 2017, la cour d’appel de Lyon a rejeté la demande de M. X. Elle a tout d’abord relevé que la réponse de M. X. mettait gravement en cause un conseiller d’Etat pour des faits de corruption passive. De plus, celui-ci était parfaitement identifiable. Par conséquent, la cour d’appel a conclu qu’une telle réponse portait atteinte aux intérêts d’un tiers. Le refus implicite d’insertion du directeur de la publication était donc justifié.

Le 27 juin 2018, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par les juges du fond. Au visa des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881 et 809 du code de procédure civile, elle rappelle que le droit de réponse est général et absolu. Ainsi, celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il demande l’insertion. Par conséquent, le refus d’insérer cette explication est uniquement justifié si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste.
En l’espèce, le conseiller d’Etat était bien mentionné dans le texte publié dans le périodique auquel M. X. souhaitait répondre. Le conseiller ne pouvait donc pas être regardé comme un tiers étranger au débat. Par conséquent, le refus de publication n’était pas justifié.