Attaques « simulées » en Syrie : la mise en demeure de RT France était justifiée

Actualités Legalnews ©

Par une décision du 28 juin 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé de mettre en demeure la chaîne RT France pour des manquements à l’honnêteté, à la rigueur de l’information et à la diversité des points de vue.
Il était reproché à la chaîne la diffusion, au cours d’un journal télévisé du 13 avril 2018 principalement consacré à la situation en Syrie à la suite d’attaques utilisant des armes chimiques perpétrées contre la population civile de la ville de Douma, d’un sujet intitulé « Attaques simulées » qui contestait la réalité de ces attaques.
Après une présentation des réactions internationales, la séquence litigieuse, d’une durée d’environ 18 minutes, comprenait notamment la diffusion de deux interviews, accompagnées de bandeaux comme « certains locaux auraient été forcés de simuler des attaques chimiques » ou « attaques simulées », d’un micro-trottoir recueillant les avis de passants parisiens sur l’opportunité d’opérations aériennes occidentales en Syrie et de l’intervention en plateau d’une personne, présentée comme « conseiller en stratégie internationale ».

Pour prononcer cette mise en demeure, le CSA, se basant sur la convention conclue avec la chaîne le 2 septembre 2015, a pointé notamment :
– des manquements aux exigences de rigueur : la diffusion d’extraits d’interviews de personnes s’exprimant en arabe syrien et évoquant, dans cette langue, la situation de famine qui sévissait dans la région de Douma, avait été accompagnée d’une traduction simultanée dénuée de lien avec ces propos et mentionnant une simulation d’attaque à l’arme chimique ;
– des manquements aux exigences d’honnêteté dans la présentation et le traitement de l’information : la traduction en français de certains propos des personnes interviewées avait substitué au pronom « ils » employé par ces personnes, les mots « Jaych al Islam », ce qui avait pour effet d’attribuer à ce groupe armé des simulations d’attaques à l’arme chimique, alors qu’une telle attribution ne ressortait pas des propos tenus dans leur langue par ces personnes ;
– un déséquilibre marqué dans l’analyse du sujet et un traitement univoque de la question des armes chimiques : la séquence litigieuse donnait à penser, du fait d’une confusion entre la présentation des faits et leur commentaire et du choix de bandeaux comme « attaques simulées », que le caractère fictif des attaques chimiques constituait un fait établi, alors qu’il s’agissait d’un fait incertain et controversé, qui justifiait d’ailleurs que soit envisagé l’envoi d’une mission de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. En outre, le seul intervenant en plateau affirmait que l’armée syrienne ne faisait pas usage d’armes chimiques et que l’opinion publique des pays occidentaux était manipulée, sans qu’aucun autre élément du programme ne vienne contrebalancer ses propos, a conduit à une présentation univoque d’une question prêtant pourtant à controverse.

Dans un arrêt rendu le 22 novembre 2019, le Conseil d’Etat rejette le recours de RT France à l’encontre de cette décision, estimant que le CSA a fait une exacte application des stipulations de la convention 2 septembre 2015.
Il considère par ailleurs que eu égard tant à sa portée qu’aux manquements analysés, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.