Caractérisation du délit de diffamation publique raciale

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Le procureur de la République a fait citer devant le tribunal correctionnel l’auteur d’un livre des chefs de diffamation aggravée et de provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
La couverture de l’ouvrage incriminé avait pour titre « Les milliards d’lsraël », suivi du sous-titre « Escrocs juifs et financiers internationaux », inscrits dans une typographie et sur un fond vert évoquant un billet de dollar américain. Ils surmontaient le portait encadré d’un homme brun en costume fumant un cigare. Cet homme tenait dans sa main gauche aux doigts recroquevillés un sac estampillé du symbole du dollar, tandis qu’il tendait sa main droite sortant du cadre juste au-dessus d’une banderole supportant l’inscription « Comment prendre l’argent dans la poche des goys ».

L’auteur a relevé appel du jugement qui l’a déclaré coupable de ces deux infractions et le ministère public a formé un appel incident.

La cour d’appel a confirmé le jugement s’agissant du délit de diffamation publique raciale.
Pour ce faire, les juges du fond ont énoncé que la couverture incriminée, qui associait notamment les mots « juifs » et « escrocs », mais qui devait se comprendre dans sa totalité, ne visait pas seulement des « escrocs juifs », mais, par la généralisation qui résultait de la composition de la page, l’ensemble des Juifs auxquels elle imputait de s’enrichir de manière illégale au détriment des personnes non-juives, ce qui constitue un fait susceptible de preuve et attentatoire à l’honneur puisque pénalement répréhensible.

Dans un arrêt du 15 octobre 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle considère que ce propos, figurant en couverture d’un ouvrage censé l’illustrer, renferme l’imputation de faits contraires à l’honneur ou à la considération, suffisamment précis, qui vise un groupe de personnes pris en raison de leur seule appartenance à une religion déterminée, et excédait les limites admissibles de la liberté d’expression.
La Haute juridiction ajoute qu’il n’était pas soutenu devant la cour d’appel que le corps de l’ouvrage contredirait la définition du groupe visé qui résultait de l’examen de la seule couverture. Or, elle rappelle que s’il appartient aux juges de relever toutes les circonstances qui sont de nature à leur permettre d’apprécier le sens et la portée des propos incriminés et de caractériser l’infraction poursuivie, c’est à la condition, s’agissant des éléments extrinsèques auxdits propos, qu’ils aient été expressément invoqués devant eux.