CEDH : flashmobs et liberté de réunion

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En janvier 2009, sept ressortissants russes se sont rassemblés devant le siège du gouvernement pour ce que l’un d’entre eux, le requérant, a décrit comme une flashmob. Ils avaient recouvert leurs lèvres de ruban adhésif et brandissaient chacun une feuille de papier blanc. La police a ordonné au groupe de se disperser et lorsque le requérant en a demandé la raison, il a été conduit au poste de police.

Le requérant a été inculpé, sur le fondement du code des infractions administratives, de participation à une réunion publique conduite en l’absence de la notification préalable et s’est vu infliger une amende. Le tribunal a considéré qu’il avait participé à une manifestation statique et méconnu la procédure prévue pour la conduite d’événements publics. Les juges ont rejeté l’argument de l’intéressé selon lequel une flashmob ne pouvait s’analyser en une implication dans un événement public. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance.

Le requérant a alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), soutenant qu’en mettant un terme à la flashmob et en le poursuivant pour une infraction administrative, les autorités nationales avaient violé ses droits découlant de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention EDH.

Dans son arrêt rendu le 19 novembre 2019, la CEDH estime tout d’abord que la flashmob telle que décrite par le requérant relève de la notion de « réunion pacifique » au sens de l’article 11 de la Convention. La dispersion d’une telle réunion et les sanctions infligées au requérant ont donc constitué une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté de réunion tel que garanti par cette disposition.
Si le gouvernement a justifié cette ingérence en invoquant le but légitime de la défense de l’ordre, les organes judiciaires ont condamné le requérant dans le cadre d’une procédure pour infraction administrative sans apprécier la gravité des perturbations provoquées, se bornant à considérer que le requérant n’avait pas respecté l’exigence de notification préalable.
La CEDH relève par ailleurs que l’organisation d’une manifestation sans autorisation préalable ne justifie pas nécessairement une ingérence dans l’exercice par une personne de son droit à la liberté d’expression. Ainsi, sept personnes qui se tiennent debout en silence en brandissant une feuille de papier blanc peuvent difficilement être considérées comme incitant à la violence ou représentant une menace à l’ordre public.
La Cour juge donc que les raisons invoquées par l’Etat ne correspondaient à aucun besoin impérieux et qu’elles ne suffisaient pas à démontrer que l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». Il y a ainsi eu violation de l’article 11.