CEDH : rétention inutilement prolongée d’un serveur informatique dans le cadre d’une procédure pénale contre des tiers

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En juin 2010, la police bulgare a saisi un serveur qui hébergeait une partie d’un site web via lequel un livre aurait été téléchargé sur Internet, en violation du droit d’auteur. Ce serveur hébergeait également un site web dédié à la culture des animés japonais.
Le détenteur et gérant de ce site a formulé plusieurs demandes de restitution du serveur. Il soutenait que son site web ne pouvait fonctionner sans les données qui y étaient conservées et qu’il avait subi un préjudice important.
Le bureau du procureur général a ouvert une enquête et le serveur a été restitué en février 2011. Finalement, le seveur n’a été ni examiné par des experts, ni utilisé de quelque autre manière aux fins de l’enquête.

Dans un arrêt du 26 mars 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme estime que la rétention inutilement prolongée du serveur informatique du requérant dans le cadre d’une procédure pénale contre des tiers viole l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) et l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention EDH.

Elle retient que la rétention du serveur du requérant entre le 21 juin 2010 et le 8 février 2011 était disproportionnée au vu des éléméents suivants :
– le fait que le serveur du requérant n’a jamais été examiné aux fins de l’enquête pénale qui n’était pas dirigée contre le requérant, mais contre des tiers ;
– la possibilité de copier les informations nécessaires ;
– l’importance du serveur pour l’activité professionnelle du requérant ;
– l’inactivité partielle du parquet de Sofia.
La CEDH considère que les autorités nationales n’ont pas trouvé le juste équilibre requis entre le but légitime poursuivi dans l’affaire et les droits du requérant en violation de l’article 1 du Protocole n° 1.

Par ailleurs, concernant la liberté d’expression du requérant, la CEDH relève que, comme le souligne le gouvernement bulgare, le requérant n’était pas un journaliste, un dénonciateur ou une autre personne nécessitant une protection renforcée. Le contenu du site était artistique et, en tant que tel, ne bénéficiait pas du niveau élevé de protection attribué au discours politique.
Néanmoins, dans les circonstances de la présente affaire, cette considération n’est pas suffisante pour faire pencher la balance en faveur du gouvernement. La Cour rappelle que la rétention du serveur du requérant dans le cadre d’une procédure pénale s’est avérée inutile aux fins de l’enquête et que, pendant un certain temps, le parquet n’a fait aucun effort pour remédier aux effets de leurs actes sur la liberté d’expression du requérant, bien qu’il ait été informé de ces effets à de nombreuses reprises.