CJUE : la vente de cartes SIM contenant des services préinstallés payants est une pratique commerciale agressive

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En 2012, l’autorité de régulation de la concurrence italienne (AGCM) a infligé une amende à deux sociétés pour avoir commercialisé des cartes SIM sur lesquelles étaient préinstallés et préalablement activés différents services dont les frais étaient facturés à l’utilisateur, dans le cas où ce dernier ne demandait pas expressément leur désactivation. De plus, le consommateur n’était pas informé de ces services supplémentaires. 

Saisi par les deux sociétés, un tribunal administratif italien a annulé les décisions de l’AGCM en soulignant que de telles sanctions relevaient de la compétence d’une autre autorité, l’autorité garante des communications (AGCom).
Le litige est remonté jusqu’au Conseil d’Etat italien qui a demandé à son assemblée plénière de trancher certains points. Celle-ci a notamment indiqué que la compétence pour sanctionner la simple violation de l’obligation d’information dans le secteur des communications électroniques appartient à l’AGCom, alors que la sanction d’une « pratique commerciale agressive en toutes circonstances » (tel qu’une « fourniture non demandée ») relève de la compétence de l’AGCM y compris dans le secteur des communications électroniques.
Le Conseil d’Etat a néanmoins adressé, à la Cour de justice européenne (CJUE), des questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et du droit de l’Union en matière de communications électroniques (directives « cadre » et « service universel » du 7 mars 2002). Ainsi, la juridiction italienne souhaiterait que la CJUE précise si le comportement des opérateurs de téléphonie peut être qualifié de « fourniture non demandée » ou, plus largement, de « pratique commerciale agressive » au sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et si le droit de l’Union en matière de communications électroniques s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle une « fourniture non demandée » relève de la directive sur les pratiques commerciales déloyales avec la conséquence que l’autorité de régulation nationale (ARN) n’est pas compétente pour sanctionner un tel comportement.

Dans un arrêt du 13 septembre 2018, la CJUE rappelle tout d’abord que la demande d’un service doit consister en un choix libre de la part du consommateur. En l’espèce, le consommateur n’était pas informé de l’installation préalable de ces services payants. Par conséquent, il ne saurait être considéré que celui-ci a librement choisi la fourniture de tels services. Le fait que certains services nécessitent une action consciente et voulue du consommateur n’a pas d’importance. De même, il est indifférent que le consommateur ait eu la possibilité de faire désactiver ou de désactiver lui-même ces services.
La CJUE souligne ensuite qu’il n’est pas évident que le consommateur moyen puisse être conscient, lors de l’achat d’une SIM, de la présence de services préalablement activés générant des frais supplémentaires ni qu’il ait une maîtrise technique suffisante pour les désactiver.
La CJUE conclut donc que de tels comportements constituent une « fourniture non demandée » et donc, selon la directive sur les pratiques commerciales déloyales, une pratique déloyale, et plus précisément une pratique agressive, en toutes circonstances.

La Cour signale enfin qu’il n’existe pas de conflit entre la directive sur les pratiques commerciale déloyales et la directive « service universel ». En effet, cette dernière impose au prestataire de services de communications électroniques de fournir certaines informations dans le contrat alors que la première régit des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales. La Cour déclare par conséquent que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle une « fourniture non demandée » doit être appréciée au regard de la directive sur les pratiques commerciales déloyales avec la conséquence que, selon cette réglementation, l’autorité de régulation nationale au sens de la directive « cadre » n’est pas compétente pour sanctionner un tel comportement.