CJUE : matérialisation du dommage et compétence territoriale en matière de droit d’auteur

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Un auteur français, également compositeur et l’interprète de chansons enregistrées par un groupe sur un disque vinyle assigne une société autrichienne afin d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur. Les chansons en question ont été reproduites par cette société autrichienne, puis commercialisées par des sociétés britanniques par l’intermédiaire de différents sites Internet accessibles depuis le domicile de l’auteur en France.

La Cour de cassation a introduit une demande préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. La Cour de justice de l’Union européenne doit déterminer si, au vue de l’article 5 point 3 du règlement, l’auteur d’une œuvre protégée peut porter devant les juridictions de son domicile une action en réparation du dommage résultant d’une offre en ligne non-autorisée de reproductions de son œuvre.

Dans un arrêt du 3 octobre 2013, la CJUE considère que la question du litige porte sur la compétence de la juridiction au titre de la matérialisation du dommage allégué. Afin d’identifier le lieu de matérialisation d’un dommage prétendument causé au moyen d’Internet, la CJUE fait une distinction entre les atteintes aux droits de la personnalité et celles à un droit de la propriété intellectuelle et industrielle.

L’auteur d’une œuvre protégée, victime d’une mise en ligne non autorisée de son œuvre est victime d’une atteinte aux droits de la personnalité, droits protégés dans tous les Etats membres. A ce titre, l’auteur peut introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel le contenu est accessible ou l’a été. Dans ce cas, les juridictions sont uniquement compétentes pour le dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie.

La CJUE estime que la juridiction du lieu où la victime a le centre de ses intérêts est la mieux placée pour apprécier l’impact de l’atteinte commise. Elle en déduit que la victime peut choisir de saisir, pour l’intégralité du dommage causé, la seule juridiction de ce lieu.

Pour l’atteinte à un droit de la propriété intellectuelle et industrielle, la protection est limitée au territoire de l’Etat membre d’enregistrement. Chaque juridiction de l’Etat membre d’enregistrement sera le mieux placée pour évaluer s’il y a eu atteinte au droit en cause.

La CJUE a donc décidé dans son arrêt du 3 octobre 2013 qu’est compétente pour connaître d’une violation alléguée d’un droit patrimonial d’auteur, la juridiction de l’État membre qui protège les droits patrimoniaux dont le demandeur se prévaut et dans le ressort de laquelle le dommage allégué risque de se matérialiser. Ledit risque peut notamment découler de la possibilité de se procurer, au moyen d’un site Internet accessible dans le ressort de la juridiction saisie, une reproduction de l’œuvre à laquelle s’attachent les droits dont le demandeur se prévaut.

En revanche, dès lors que la protection accordée par l’État membre de la juridiction saisie ne vaut que pour le territoire dudit État membre, la juridiction saisie n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève.

09/10/2013