CJUE : pas de droit exclusif si, au vu des liens économiques entre leurs titulaires respectifs, les marques sont sous contrôle unique

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La société Schweppes International Ltd. est titulaire de la marque « Schweppes » sur le territoire espagnol, pays dans lequel la société Schweppes SA a un droit exclusif d’exploitation de cette marque.
Schweppes SA a intenté une action en contrefaçon contre Red Paralela pour avoir importé et commercialisé en Espagne des bouteilles d’eau tonique revêtues de la marque « Schweppes » en provenance du Royaume-Uni.
Dans ce pays, la marque « Schweppes » est détenue par Coca-Cola qui en a acquis les droits par cession.

Selon Schweppes SA, ces actes sont illicites, étant donné que les bouteilles d’eau tonique ont été fabriquées et mises sur le marché non pas par elle-même ou avec son consentement, mais par Coca-Cola qui ne présenterait aucun lien avec le groupe Orangina Schweppes. Elle soutient que, au vu de l’identité des signes et des produits en cause, le consommateur n’est pas en mesure de distinguer l’origine commerciale de ces bouteilles.

À l’encontre de cette action en contrefaçon, Red Paralela s’est défendue en invoquant l’épuisement du droit de marque qui résulterait d’un consentement tacite en ce qui concerne les produits pourvus de la marque « Schweppes » en provenance d’Etats membres de l’Union où Coca-Cola est titulaire de cette marque.
Red Paralela affirme, en outre, qu’il existe incontestablement des liens juridiques et économiques entre Coca-Cola et Schweppes International dans l’exploitation commune du signe « Schweppes » comme marque universelle.

Le tribunal de commerce de Barcelone (Espagne) interroge la Cour de justice de l’Union européenne afin de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à ce que Schweppes SA invoque le droit exclusif dont elle jouit en vertu de la législation espagnole pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation en Espagne des produits « Schweppes » provenant du Royaume-Uni, pays dans lequel la marque est détenue par Coca-Cola.

Dans ses conclusions du 12 septembre 2017, l’avocat général rappelle que la CJUE a déjà précisé que le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque « joue lorsque le titulaire de la marque dans l’Etat d’importation et le titulaire de la marque dans l’Etat d’exportation sont identiques ou lorsque, même s’ils sont des personnes distinctes, ils sont liés économiquement », comme c’est le cas du fabricant et de son concessionnaire, du donneur de licence et de son licencié ou de sociétés appartenant au même groupe.
La Cour a estimé que, dans ces circonstances, les produits revêtus de la marque sont fabriqués sous le contrôle d’une même entité, de sorte que la libre circulation de ces produits ne remet pas en cause la fonction de la marque.

Selon l’avocat général, compte tenu de la jurisprudence de la Cour, ce n’est pas tant la nature des relations qu’entretiennent les entités concernées qui importe, mais le fait que, grâce à ces relations, la marque se trouve sous un contrôle unique.
À cet égard, l’avocat général considère qu’un tel critère est susceptible de couvrir non seulement les hypothèses mentionnées par la Cour où l’utilisation de la marque est sous le contrôle d’une seule personne (le donneur de licence ou le fabricant) ou d’une entité constituant une unité économique, mais également les situations dans lesquelles l’utilisation de la marque est soumise au contrôle conjoint de deux personnes distinctes (chacune titulaire de droits reconnus au niveau national) qui agissent, dans l’exploitation de la marque, comme un seul et même centre d’intérêt.
Dans de telles situations, l’unicité de contrôle exclut que les législations nationales sur le droit des marques puissent être invoquées afin de restreindre la circulation des produits en cause.

Enfin, l’avocat général conclut que le droit de l’Union s’oppose à l’invocation du droit exclusif, lorsqu’il résulte des liens économiques existant entre le titulaire de la marque dans l’Etat d’importation et le titulaire de la marque dans l’Etat d’exportation que ces marques sont sous contrôle unique et que le titulaire de la marque dans l’Etat d’importation a la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque dans l’Etat d’exportation est apposée ainsi que d’en contrôler la qualité.
Dans ce contexte, il incombera au juge national, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire en cause et après avoir éclairé les liens qui unissent les titulaires des marques parallèles, d’apprécier si les conditions pour l’épuisement du droit de Schweppes International sont réunies à l’égard des bouteilles d’eau tonique en cause.