CJUE : qualité de consommateur vis-à-vis de Facebook et compétence juridictionnelle pour les droits cédés

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Un homme, originaire d’Autriche, a intenté une action contre Facebook Ireland devant des juridictions autrichiennes.
Il soutient que Facebook Ireland a violé ses droits au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles ainsi que ceux de sept autres utilisateurs de Facebook qui lui ont cédé le droit de faire valoir leurs prétentions suite à une invitation en ce sens qu’il avait publiée en ligne.
Ces utilisateurs sont domiciliés en Autriche, en Allemagne et en Inde.

Facebook Ireland conteste la compétence internationale des juridictions autrichiennes.
Premièrement, elle soutient que le ressortissant autrichien ne peut pas ou, en tout cas, ne peut plus être considéré comme un consommateur dans le cadre de son action contre Facebook. Selon Facebook Ireland, le ressortissant autrichien a perdu sa qualité de consommateur en raison des activités professionnelles qu’il a exercées en relation avec ses revendications contre elle. Ainsi, le ressortissant ne pourrait pas bénéficier de la règle de l’Union qui permet aux consommateurs d’attraire un partenaire contractuel étranger devant les tribunaux de leur domicile « privilège du for du consommateur ». En tout état de cause, la page Facebook créée par le ressortissant impliquerait que celui-ci fait un usage professionnel de Facebook.
Deuxièmement, Facebook Ireland soutient que le privilège du for du consommateur est strictement personnel et ne peut pas être invoqué pour faire valoir des droits cédés.

La Cour suprême d’Autriche demande à la Cour de justice de l’Union européenne de clarifier ces deux points au regard du privilège du for du consommateur.

Dans ses conclusions, du 14 novembre 2017, l’avocat général près la CJUE, Michal Bobek, suggère, d’une part, à la Cour de répondre à la Cour suprême d’Autriche que l’exercice d’activités du requérant telles que la publication de livres, la tenue de conférences, l’exploitation de sites Internet ou la collecte de dons n’implique pas qu’un consommateur perde sa qualité de consommateur lorsqu’il souhaite faire valoir des droits concernant son propre compte Facebook utilisé à des fins privées. Il semble ainsi que le requérant peut être considéré comme un consommateur s’agissant de ses propres prétentions issues de l’usage privé de son propre compte Facebook.
Toutefois, il appartiendra à la Cour suprême d’Autriche de vérifier ce point.
Selon l’avocat général, en règle générale, la qualité de consommateur dépend de la nature et de la finalité du contrat au moment où ce dernier a été conclu. La connaissance, l’expérience, l’engagement social ou le fait d’avoir acquis une certaine renommée en raison d’actions en justice n’empêchent pas, en soi, une personne de pouvoir être qualifiée de consommateur.

D’autre part, l’avocat général propose de répondre qu’un consommateur qui est en droit d’intenter une action contre son partenaire contractuel étranger devant les tribunaux de son domicile ne peut pas faire valoir, en même temps que ses propres droits, des droits ayant le même objet cédés par d’autres consommateurs domiciliés dans le même Etat membre, dans d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers.
Une telle solution pourrait conduire à une multiplication de cessions ciblées en faveur de consommateurs relevant d’une juridiction dotée d’une jurisprudence plus favorable, de frais de justice moins élevés ou d’une aide judiciaire plus généreuse, ce qui pourrait conduire à surcharger certaines juridictions.
L’avocat général ajoute qu’il appartient non pas à la Cour de créer de telles actions collectives en matière de contrats conclus par un consommateur, mais, en fin de compte, au législateur de l’Union.