L’embrasement de pneus est-il un abus de la liberté d’expression ?

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Le 15 juillet 2013, à l’appel d’organisations syndicales agricoles, des producteurs de lait se sont réunis devant la Maison des agriculteurs de Mayenne, située à Changé. Ils se sont ensuite rendus aux abords du siège du groupe de transformation de produits laitiers Lactalis, pour y exprimer leur mécontentement. Des pneumatiques ont été placés par des manifestants devant le portail d’accès de l’entreprise, puis incendiés à la nuit tombée.
Les équipements permettant la fermeture du site ayant été détériorés, la société Lactalis a assigné la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de la Mayenne sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.

La cour d’appel d’Angers a condamné le syndicat à payer à la société une certaine somme.
Pour ce faire, les juges du fond ont retenu que le président du syndicat était celui qui, par la teneur de ses propos, avait pris en charge l’organisation logistique des opérations et donné les instructions d’organisation de la manifestation à tous les participants présents au rassemblement. Il avait donné dans ce cadre les directives « pour garer et ranger les pneus chez Lactalis ». Il avait ensuite fixé un nouveau rendez-vous aux manifestants à un rond-point d’où ils étaient alors partis vers l’usine et qu’il était sur place lorsque ces pneus ont été embrasés.

Le syndicat s’est pourvu en cassation en soutenant, pour la première fois devant la Cour de cassation, que les actes reprochés relevaient en réalité de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et non du droit commun de la responsabilité civile.

Dans un arrêt rendu le 30 novembre 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi : la cour d’appel ayant fait ressortir la participation effective du syndicat aux actes illicites commis à l’occasion de la manifestation en cause, il en résulte que l’action du syndicat constituait une complicité par provocation au sens de l’article 121-7 du code pénal, de sorte que se trouvait caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil, sans que puisse être invoqué le bénéfice de l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse.