L’appel implicite à la discrimination excède les limites admissibles de la liberté d’expression

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Le procureur de la République a fait citer une personne devant le tribunal correctionnel, d’une part, du chef de provocation à la haine raciale pour avoir notamment mis en ligne :
– sur le réseau Twitter, des messages contenant les propos « trop de Noirs dans l’équipe de France. Trop de juifs à la télé ! », « si on les obligeait à porter l’étoile jaune, ce serait plus simple pour tout le monde. Lire notre Psycha du judaïsme » ;
– sur le réseau Facebook, le texte « Le 4 mars 2011, en effet, dans un article publié dans l’hebdomadaire Rivarol, nous écrivions que nous préconisions : ‘le port d’une combinaison fluo et d’un gyrophare sur la tête, en plus de la crécelle à lépreux, afin que le plus naïf des goys puisse être prévenu bien à l’avance de la chose qui s’avance vers lui' ».

Le procureur a, d’autre part, fait citer cette même personne du chef d’injures publiques raciales, pour avoir mis en ligne, sur Twitter, une fausse publicité représentant un médecin exhibant une boîte de médicaments « Judéotril » accompagnée des termes suivants : « Un nouveau médicament pour guérir du judaïsme. #quenelle #antisémitisme Anxiété, fragilité émotionnelle, paranoïa, égocentrisme, mégalomanie, amnésie sélective, intolérance à la frustration, tendances à la fabulation et à la calomnie, etc. On peut enfin guérir du judaïsme. Prévient les dérives incestueuses ».
Les juges du premier degré l’ont déclaré coupable des délits précités, en raison de ces propos et d’autres mis en ligne dans les mêmes conditions. Le prévenu et, à titre incident, le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Pour confirmer le jugement du chef de provocation à la haine raciale, en raison des seuls trois passages précités, la cour d’appel de Paris a énoncé que ce délit suppose, pour être constitué, un appel ou une exhortation à la discrimination, la haine ou la violence, qui peuvent être implicites. Les juges ont retenu que deux des propos contenaient un appel explicite à la discrimination envers les Juifs par l’imposition du port d’un signe distinctif, et que le troisième, par lequel le prévenu, affirmant péremptoirement qu’il y avait « trop de Noirs » et « trop de juifs », laissait clairement entendre qu’il fallait qu’il y en ait moins, renfermait, de façon implicite, un tel appel à la discrimination envers les groupes ainsi visés.
La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, et dès lors que les propos exhortaient le public, explicitement ou implicitement, à la discrimination envers des groupes de personnes visées en raison de leur appartenance raciale ou religieuse, la cour d’appel a statué à bon droit.

La Cour de cassation approuve également la cour d’appel en ce qu’elle a confirmer le jugement du chef d’injures raciales en relevant que les propos étaient outrageants envers les adeptes de la religion juive, présentés comme atteints de troubles et de maladies qui ne s’appliquaient qu’aux personnes, et qu’ils ne visaient donc pas seulement les préceptes religieux du judaïsme. Le message poursuivi était en effet injurieux à l’égard d’un groupe de personnes définies par leur appartenance religieuse.

Ainsi, selon la Haute juridiction judiciaire, la cour d’appel a à bon droit relevé que les propos incriminés portaient atteinte à la dignité humaine des personnes qu’ils visaient, de sorte que le prévenu ne pouvait se prévaloir d’un quelconque caractère humoristique et ont excédé les limites admissibles de la liberté d’expression.