QPC : droit de communication à la Hadopi

Actualités Legalnews ©

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les trois derniers alinéas de l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Selon les associations requérantes, ces dispositions méconnaissaient le droit au respect de la vie privée, la protection des données à caractère personnel et le secret des correspondances. Elles leur reprochaient, en effet, d’autoriser les agents de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) à se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données de connexion, sans limiter le champ de ces documents ni prévoir suffisamment de garanties.

Dans sa décision n° 2020-841 QPC du 20 mai 2020, le Conseil constitutionnel apporte deux réponses quant au droit de communication à la Hadopi, l’une concernant les informations d’identification de l’abonné, l’autre portant sur tous documents et les données de connexion.

Concernant le droit de communication portant sur certaines informations d’identification de l’abonné, le Conseil constitutionnel juge que, en autorisant la communication aux agents de la Haute autorité de l’identité, de l’adresse postale, de l’adresse électronique et des coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé illégalement, le législateur a entendu renforcer la lutte contre les pratiques de contrefaçon sur internet, qui répond à l’objectif de sauvegarde de la propriété intellectuelle.
Il relève que ce droit de communication, qui n’est pas assorti d’un pouvoir d’exécution forcée, n’est ouvert qu’aux agents publics de la Haute autorité, dûment habilités et assermentés, qui sont soumis, dans l’utilisation de ces données, au secret professionnel.
En outre, d’une part, le champ des informations en cause se limite à l’identité et aux coordonnées électroniques, téléphoniques et postales des auteurs des manquements à l’obligation énoncée à l’article L. 336-3. D’autre part, ces informations sont nécessaires à la Haute autorité pour leur adresser la recommandation leur rappelant leur obligation. Elles présentent donc un lien direct avec l’objet de la procédure mise en œuvre par la commission de protection des droits.
Par ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le dernier alinéa de l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle est conforme à la Constitution, hormis le mot « notamment ».

S’agissant du droit de communication portant sur tous documents et les données de connexion, le Conseil constitutionnel juge que, en faisant porter le droit de communication sur « tous documents, quel qu’en soit le support » et en ne précisant pas les personnes auprès desquelles il est susceptible de s’exercer, le législateur n’a ni limité le champ d’exercice de ce droit de communication ni garanti que les documents en faisant l’objet présentent un lien direct avec le manquement à l’obligation énoncée à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, qui justifie la procédure mise en œuvre par la commission de protection des droits.
En outre, ce droit de communication peut également s’exercer sur toutes les données de connexion détenues par les opérateurs de communication électronique. Or, compte tenu de leur nature et des traitements dont elles peuvent faire l’objet, de telles données fournissent sur les personnes en cause des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. Elles ne présentent pas non plus nécessairement toutes de lien direct avec le manquement à l’obligation énoncée à l’article L. 336-3.

Ainsi, le Conseil constitutionnel juge contraires à la Constitution les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle ainsi que le mot « notamment » figurant au dernier alinéa du même article.
L’abrogation immédiate de ces dispositions étant susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives, il juge qu’il y a lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de leur abrogation.