CJUE : importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d’un autre Etat membre conforme au droit de l’Union

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La société Schweppes International est titulaire de la marque « Schweppes » sur le territoire espagnol, pays dans lequel la société Schweppes SA a un droit exclusif d’exploitation de cette marque.
Schweppes SA a intenté une action en contrefaçon contre Red Paralela pour avoir importé et commercialisé en Espagne des bouteilles d’eau tonique revêtues de la marque « Schweppes » en provenance du Royaume-Uni. Dans ce pays, la marque « Schweppes » est détenue par Coca-Cola qui en a acquis les droits par cession.

Selon Schweppes SA, ces actes sont illicites, étant donné que les bouteilles d’eau tonique ont été fabriquées et mises sur le marché non pas par elle-même ou avec son consentement, mais par Coca-Cola qui ne présenterait aucun lien avec le groupe Orangina Schweppes. Elle soutient que, au vu de l’identité des signes et des produits en cause, le consommateur n’est pas en mesure de distinguer l’origine commerciale de ces bouteilles.

À l’encontre de cette action en contrefaçon, Red Paralela s’est défendue en invoquant l’épuisement du droit de marque qui résulterait d’un consentement tacite en ce qui concerne les produits pourvus de la marque « Schweppes » en provenance d’Etats membres de l’Union où Coca-Cola est titulaire de cette marque.
Red Paralela affirme, en outre, qu’il existe incontestablement des liens juridiques et économiques entre Coca-Cola et Schweppes International dans l’exploitation commune du signe « Schweppes » comme marque universelle.

Le tribunal de commerce de Barcelone (Espagne) interroge la Cour de justice de l’Union européenne afin de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à ce que Schweppes SA invoque le droit exclusif dont elle jouit en vertu de la législation espagnole pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation en Espagne des produits « Schweppes » provenant du Royaume-Uni, pays dans lequel la marque est détenue par Coca-Cola.

Le 20 décembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne déclare que le droit de l’Union fait obstacle à ce que le titulaire d’une marque nationale s’oppose à l’importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d’un autre Etat membre, où cette marque, qui appartenait initialement au même titulaire, est désormais détenue par un tiers qui en a acquis les droits par cession, lorsque, après cette cession, le titulaire, seul ou en coordonnant sa stratégie de marque avec ce tiers, a continué à favoriser de manière active et délibérée l’apparence ou l’image d’une marque unique et globale, en créant ou en renforçant ainsi une confusion aux yeux du public concerné quant à l’origine commerciale des produits revêtus de cette marque.

La Cour rappelle à cet égard que la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance. En adoptant un comportement qui a pour effet que la marque ne remplit plus sa fonction essentielle de façon indépendante dans le cadre territorial qui lui est propre, le titulaire a lui-même porté atteinte à cette fonction, voire dénaturé celle-ci. Par conséquent, il ne saurait se prévaloir de la nécessité de sauvegarder cette fonction pour s’opposer à l’importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d’un autre Etat membre où cette marque est désormais détenue par le tiers.

La Cour juge, en outre, que même dans l’hypothèse où le titulaire n’a pas favorisé l’image d’une marque unique et globale, il ne saurait s’opposer à l’importation des produits en question lorsqu’il existe des liens économiques entre lui-même et le tiers, dans le sens où ils coordonnent leurs politiques commerciales ou s’accordent afin de contrôler conjointement l’utilisation de la marque, de telle sorte qu’ils ont la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité.

Pour la CJUE le critère du lien économique est également satisfait lorsque, après le fractionnement de marques parallèles nationales dû à une cession territorialement limitée, les titulaires de ces marques coordonnent leurs politiques commerciales ou s’accordent afin de contrôler conjointement l’utilisation de ces marques, de telle sorte qu’ils ont la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité.

La Cour souligne que permettre à de tels titulaires de protéger leurs territoires respectifs contre l’importation parallèle de ces produits aboutirait à un cloisonnement des marchés nationaux qui n’est pas justifié par l’objet du droit de marque et qui n’est notamment pas nécessaire pour préserver la fonction essentielle des marques concernées.