Affaire « Vente-privee.com » : la marque reconnue notoire

Propriété Industrielle - Droit des marques - Noms de domaines

Dans cette affaire, le site « Vente-privee.com » a assigné le titulaire de trois noms de domaine géré par le site « sebo.fr » :  » venteprivees.com »,  » ventprivee.com » et « vente-priveee.com », pour atteinte à la notoriété des marques, à la dénomination sociale, au nom commercial, à l’enseigne et aux noms de domaine de la société Vente-privee.com. La société a également demandé que soit engagée la responsabilité du titulaire des trois noms de domaine litigieux sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Dans un jugement du 6 décembre 2013, la troisième section de la troisième chambre du tribunal de grande instance (TGI) de Paris a fait droit aux demandes de la société Vente-privee.com

En vertu de l’article L. 713-5 du code de propriété intellectuelle (CPI), »la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».

Cette protection des marques renommées vaut en cas d’usage par un tiers d’une marque ou d’un signe postérieur identique ou similaire à la marque renommée enregistrée pour des produits ou services non similaires, similaires ou identiques à ceux couverts par celle-ci. Pour engager cette protection des marques renommées, il est juste nécessaire que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, et que ce lien soit de nature à permettre au tiers de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou de leur porter préjudice.

Dès lors, le tiers qui se place dans le sillage de la marque renommée pour bénéficier de son pouvoir d’attraction et de son prestige et profiter ainsi, pour ses propres produits ou services, des efforts commerciaux réalisés par le titulaire de la marque doit être considéré comme un usage de signe sans juste motif tirant indûment profit du caractère distinctif de la renommée de la marque.

Le tribunal relève qu’en l’espèce les noms de domaine litigieux sont fortement similaires avec les éléments verbaux des marques semi-figuratives de la société Vente-privee.com. Cette similarité réside dans l’association des termes « vente » et « privée », ainsi que dans l’adjonction de l’extension « .com » qui évoque un site marchand. Cette similarité réside également dans la proximité des activités exercées sur les sites. En effet, les sites litigieux étaient utilisés pour désigner des services de publicité menant à des sites de commerce en ligne.

Le tribunal estime donc que le défendeur a voulu s’attirer le public français d’internautes à la recherche du site »Vente-privee.com », et profiter de son attractivité découlant de la très forte similarité avec les marques renommées de la demanderesse. Pour le tribunal de grande instance, ces actes engagent la responsabilité civile délictuelle du défendeur sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il a été porté atteinte au caractère distinctif ou à la renommée des marques du site « Vente-privee.com ».

Le tribunal a également condamné le défendeur pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire pour l’atteinte portée à la dénomination sociale, au nom commercial, à l’enseigne et au nom de domaine de la société Vente-privee.com. En effet, ces signes distinctifs sont protégeables sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle lorsque les utilisations litigieuses constituent des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme. Or, en l’espèce le défendeur a utilisé des noms de domaine litigieux proches des noms de domaine, nom commercial, enseigne et dénomination sociale notoirement connus de la demanderesse. Le tribunal en déduit que le défendeur a eu l’intention d’attirer sur ses sites des internautes qui auraient confondu l’adresse URL du site « Vente-privee.com » avec ses sites.

Enfin, le tribunal refuse d’ordonner le transfert des noms de domaine litigieux au profit de la société Vente-privee.com, mais dans une logique de conservation des droits de la demanderesse, le tribunal ordonne la cessation de toute exploitation des noms de domaine litigieux sous astreinte. Le montant des dommages et intérêts est fixé à 15.000 euros.
Le 28 novembre 2013, le TGI de Paris avait déjà rendu une décision dans l’affaire Vente-privee. A la demande de la société Showroomprive.com, la première section de la troisième chambre du TGI avait annulé la marque « Vente-privee.com » pour manque de distinctivité de la partie nominale de la marque, à savoir « Vente-privee ».

17/12/2013