CEDH : condamnation injustifiée pour des commentaires insultants envers la police

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En 2007, la police russe a perquisitionné les locaux d’un journal local. Une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme publia, sur internet, un communiqué de presse qui critiquait l’action de la police y voyant notamment un lien avec une campagne électorale locale, le journal ayant soutenu un politicien en conflit avec les autorités locales.
M. X. a laissé un commentaire sur un des blogs relatant ces faits en écrivant notamment « Je déteste les flics, putain de merde », les policiers ne sont « que des flics (…) voyous et décérébrés » et « les représentants les plus cons et les moins éduqués de la gent animale ». Il a également ajouté que chaque ville russe devrait avoir un four  « comme à Auschwitz » pour brûler les « flics infidèles » avant de « nettoyer la société de ces pourritures de flics-voyous ».
Un tribunal de première instance jugea ce dernier coupable d’incitation à la haine et à des actes de violence contre des policiers et le condamna à un an de prison avec sursis. La Cour suprême confirma cette décision. Elle précisa notamment que les propos tenus par M. X. s’analysaient non pas en une critique des forces de l’ordre mais en un appel public à la violence contre les policiers.
M. X. saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Dans un arrêt du 28 août 2018, la CEDH a conclu que la Russie avait violé l’article 10 de la Convention.
Elle a tour d’abord rappelé qu’il était nécessaire de bien prendre en compte le contexte dans lequel un langage insultant et choquant est employé. En l’espèce, il était nécessaire de déterminer si les propos de M. X. pouvaient passer pour une apologie de la violence, de la haine ou de l’intolérance.
Ce commentaire a été laissé dans un contexte où plusieurs personnes s’inquiétaient de l’implication de la police dans des mesures visant à bâillonner l’opposition politique et M. X. exprimait ainsi son opposition à ce qu’il considérait comme un abus d’autorité.
La Cour a ensuite souligné que les propos du requérant étaient particulièrement hostiles et que la référence au camp de concentration avait pu offenser les survivants de l’holocauste. Elle a néanmoins signalé que ni les juridictions russes ni le gouvernement ne lui ont reproché cela ou précisé à quel titre les policiers se sont sentis heurtés par de tels propos.
Elle a également indiqué que les propos de M. X. n’appelaient pas à la violence contre des policiers en particulier mais visaient plutôt la police en tant qu’institution publique. De plus, ils n’ont pas été tenus dans un contexte sensible ou un climat d’hostilité et de haine qui aurait pu donner lieu à des menaces réelles de violences physiques contre des policiers. Enfin, la Cour a signalé que la police n’était pas un groupe vulnérable ayant besoin d’une protection particulière mais devait plutôt faire preuve d’une tolérance particulière vis-à-vis des critiques sauf s’il s’agit de propos provocateurs susceptibles d’être à l’origine de violences immédiates contre elle.

La CEDH a donc affirmé que les juridictions russes se sont concentrées sur la forme et la teneur des propos sans examiner le contexte. Elles n’ont pas motivé leurs conclusions par des raisons pertinentes et la condamnation de M. X., qui ne doit intervenir que dans des circonstances exceptionnelles, ne répondait pas à un besoin social impérieux. Les juridictions internes ont donc violé la liberté d’expression de M. X.