CEDH : la France condamnée pour atteinte à la liberté d’expression d’un avocat auteur d’une lettre ouverte

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Un avocat et militant français avait adressé une lettre ouverte au président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans laquelle il indiquait qu’un PDG avait fourni des informations fausses et trompeuses dans le cadre de la procédure d’entrée en bourse de sa société. Cette entrée en bourse visait la réalisation d’un stade de football dans la banlieue lyonnaise.

En avril 2010, le PDG et sa société ont déposé plainte contre l’avocat pour dénonciation calomnieuse. Celui-ci a été condamné en première instance, jugement qui a été confirmé en appel. Son pourvoi en cassation a aussi été rejeté.

La Cour européenne des droits de l’Homme, saisie de l’affaire, décide de condamner la France en violation de l’article 10, à savoir atteinte à la liberté d’expression.

En effet, la CEDH estime tout d’abord que dénoncer un comportement prétendument illicite devant une autorité est susceptible de relever de la liberté d’expression.
Aussi, la condamnation de l’avocat en question constituait une ingérence dans sa liberté d’expression, car elle reposait sur la substance des propos qu’il a tenus dans sa lettre. Ainsi, les juridictions nationales auraient dû mettre en balance le droit à la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée du PDG en question, ce qu’elles n’ont pas fait. La CEDH rappelle en outre, contrairement à la position de la Cour de cassation française, que la liberté d’expression peut être appréciée dans le cadre d’une dénonciation calomnieuse. Il est nécessaire de faire un contrôle concret et de proportionnalité dans ce cas-là.

La CEDH prend aussi en compte l’importance de la condamnation financière (civile et pénale) de l’avocat comme élément d’atteinte à sa liberté d’expression.

Enfin, la CEDH relève que l’auteur de la lettre avait utilisé des formes plutôt interrogatives et non affirmatives, laissant place au doute, ce qu’auraient dû relever les juridictions nationales.

Pour toutes ces raisons, la Cour européenne des droits de l’homme estime que les juridictions françaises ont violé la liberté d’expression de l’auteur de la lettre décide de condamner la France à lui verser des dommages-intérêts.