CEDH : pas de liberté d’expression pour le négationnisme

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Au lendemain de la journée de commémoration de l’Holocauste, un député allemand au Parlement régional du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale a prononcé un discours dans lequel il a déclaré que « le soi-disant Holocauste est utilisé à des fins politiques et commerciales » et où il évoquait un « barrage de critiques et de mensonges propagandistes » et des « extrapolations sur Auschwitz ».

Condamné par les juridictions allemandes pour « violation de la mémoire des morts et de diffamation intentionnelle du peuple juif », il a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), invoquant notamment l’article 10 de la Convention EDH (liberté d’expression).

Dans son arrêt rendu le 3 octobre 2019, la CEDH examine ce recours sous l’angle de l’article 10 et de l’article 17 (interdiction de l’abus de droits).

La Cour n’admet pas l’allégation du requérant selon laquelle les juridictions internes n’auraient sélectionné, aux fins de leur examen, que quelques courts extraits de son discours.
En effet, les juges internes ont conclu qu’une part importante du discours ne posait aucun problème au regard du droit pénal et que les autres déclarations, loin de dissimuler ou d’étouffer les propos négationnistes avérés, y avaient été instillés comme « du poison dans un verre d’eau, dans l’espoir que leur présence ne serait pas détectée immédiatement« .

La Cour insiste par ailleurs sur le fait que le député avait prévu son discours à l’avance, choisissant ses mots délibérément et ayant recours à la dissimulation pour faire passer son message, à savoir des propos négationnistes avérés exprimant du dédain à l’égard des victimes de l’Holocauste et allant à l’encontre de faits historiques établis.

C’est dans ce contexte, que pour la CEDH, l’article 17 trouve à s’appliquer : le requérant a cherché à utiliser son droit à la liberté d’expression pour promouvoir des idées contraires à la lettre et à l’esprit de la Convention. Elle relève que si une atteinte au droit à la liberté d’expression relativement à des déclarations formulées dans l’enceinte d’un Parlement mérite un examen approfondi, pareilles déclarations ne méritent guère, voire pas, de protection lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte contraire aux valeurs démocratiques du système de la Convention.

Ainsi, selon la Cour, le député a proféré des mensonges intentionnellement dans le but de diffamer les Juifs et la persécution dont ils ont été victimes et il doit également être tenu compte de la responsabilité morale particulière qu’ont les Etats ayant été le théâtre des horreurs commises par le régime nazi de s’en distancier.

En conséquence, la CEDH conclut que la condamnation du député était proportionnée au but poursuivi et « nécessaire dans une société démocratique ». Elle ne constate aucune apparence de violation de l’article 10.