CJUE : La semelle rouge de Louboutin ne relève pas de l’interdiction d’enregistrement des formes

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La société A. commercialise des chaussures dont la semelle est exclusivement rouge. En 2010, la société a enregistré cette marque au Benelux pour la classe « chaussure » puis pour la classe « chaussures à talons hauts » à partir de 2013. Cette marque est décrite comme consistant « en la couleur rouge (Pantone 18-1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure ».
La société B. a commercialisé au Pays-Bas des chaussures à talons hauts avec une semelle rouge. La société A. a par conséquent saisi les juridictions afin qu’elle constate que la société B. s’était rendue coupable de contrefaçon. Celle-ci a cependant affirmé que la marque de la société A. était nulle au regard du droit de l’Union européenne (UE). L’article 3 paragraphe 1 de la directive du 22 octobre 2008 prévoit en effet que les signes constitués exclusivement par la forme constituent un motif de nullité ou de refus à l’enregistrement.

Le tribunal saisi a par conséquent décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Il souhaitait savoir si la notion de « forme » était limitée aux seules caractéristiques tridimensionnelles du produit (les contours, la dimension et le volume) ou si elle visait également d’autres caractéristiques comme la couleur.

Dans un arrêt du 12 juin 2018, la CJUE souligne tout d’abord qu’en l’absence de définition particulière du mot « forme » dans la directive, celui-ci doit être interprété selon son sens commun. Par conséquent, une couleur, sans délimitation dans l’espace, pourrait difficilement constituer une forme.
De plus, un signe enregistré à titre de marque ne peut pas être constitué exclusivement par la forme lorsque l’enregistrement vise à protéger non pas la forme du produit mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique.
En l’espèce, la marque ne portait pas sur une forme de semelle de chaussure mais bien sur l’apposition de la couleur rouge à cet endroit particulier

La CJUE conclut donc que le signe en cause ne saurait être considéré comme étant constitué exclusivement par la forme car l’objet principal de ce signe est une couleur déterminée au moyen d’un code d’identification utilisé internationalement.

La CJUE semble donc s’éloigner des conclusions de l’avocat général Maciej Szpunar qui avait proposé à la Cour de répondre que les motifs de refus ou de nullité d’une marque sont susceptibles de s’appliquer à un signe constitué par la forme du produit, qui revendique la protection pour une couleur déterminée.