Compétence du juge français pour connaître des atteintes à la vie privée commises par un site belge

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Après s’être aperçue que des photos d’elles avaient été publiées, sans son accord, sur un site internet belge, une actrice française a assigné la société éditrice du site pour voir constater l’atteinte à ses droits d’artiste-interprète ainsi qu’à son droit à l’image et obtenir réparation.

Le 25 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté l’exception d’incompétence des juridictions françaises soulevée par la société belge et lui a fait interdiction de diffuser et reproduire les photographies publiées sur le site, sous astreinte.

La société belge a relevé appel de ce jugement. Elle invoque l’incompétence du tribunal de Nanterre, au motif que l’article 2. 1 du règlement européen du 22 décembre 2000 pose le principe de la compétence de la juridiction du lieu du défendeur.

Le 21 janvier 2016, la cour d’appel de Versailles a débouté la société belge de ces demandes.
Sur la question de la compétence, les juges du fond relèvent que l’article 5.3 du règlement dispose, « au titre des compétences spéciales, qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
Dans l’arrêt eDate Advertising, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait estimé, sur une atteinte aux droits de la personnalité d’un comédien pour la mise en ligne de contenus non autorisés, que la personne lésée pouvait saisir le tribunal de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.
En revanche, la CJUE a, dans un arrêt du 22 janvier 2015, précisé, qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits voisins d’artiste-interprète, cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de son ressort.
En l’espèce, les juges du fond ont relevé que la comédienne est « une actrice française, née en France où elle travaille et réside avec sa famille et que le centre de ses intérêts est situé en France ».
Dès lors, les juridictions françaises sont compétentes « pour connaître de l’atteinte alléguée à son droit à la personnalité pour la réparation de l’intégralité du dommage causé et de l’atteinte alléguée à ses droits voisins d’artiste-interprète pour le seul dommage causé sur le territoire français ».

Enfin, la cour d’appel a jugé que certaines des photos publiées avaient été prises alors que l’actrice interprétait le rôle du film.
Selon les juges, la fixation puis la diffusion de la prestation de l’actrice, sans son autorisation, constituent une atteinte à ses droits d’artiste-interprète.
En outre, les clichés la montrant, « non pas dans l’interprétation de son rôle, mais dans un moment d’attente entre deux prises » portent atteinte à son droit à l’image, peu importe que le tournage se soit déroulé dans un lieu public.