Publication de décisions de justice : lever l’anonymat sans intérêt légitime du public constitue une atteinte à la vie privée

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M. X. expose avoir découvert fortuitement puis fait constater par huissier, notamment, qu’une page entière sur un site dédié aux “croyances irrationnelles” faisait essentiellement état de deux affaires pénales dans lesquelles il avait été personnellement impliqué et condamné, entre autres, pour exercice illégal de la pharmacie et pour fraude fiscale. Au terme d’une enquête que M. X. a fait réaliser, en vue de rétablir le caractère anonyme de ces décisions, Mme Y. est apparue comme l’auteur de la page consacrée à M. X. Celui-ci a fait délivrer une sommation interpellative à Mme Y. lui demandant de retirer la page litigieuse, à laquelle elle a répondu ne pas connaître M. X. Il a par la suite fait citer Mme Y. sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’atteinte portée à sa vie privée.

Dans un jugement du 14 février 2018, le tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la demande du requérant. Il rappelle que, si, en principe, les condamnations prononcées par les juridictions pénales qui sont rendues publiquement échappent de ce fait à la sphère protégée de la vie privée, c’est à la condition que ce rappel ne soit pas fait avec malveillance et réponde aux nécessités de la liberté d’expression. Il estime qu’en l’espèce, l’obligation d’anonymiser les décisions de justice s’imposant aux bases de données ne peut en tant que telle être opposée à Mme Y.
Toutefois, le tribunal considère que l’évocation et la reproduction de ces décisions d’une certaine ancienneté, n’alimentant le débat sur la santé et les compléments nutritionnels d’aucun élément nouveau, tout en faisant ressurgir au premier plan l’actualité judiciaire ayant abouti à la condamnation de l’intéressé, peut apparaître mue par une certaine malveillance. Il précise qu’une telle malveillance dirigée contre la personne de M. X. est soulignée par la reproduction de l’avis nécrologique concernant le décès de son père, tel qu’adressé par les proches de ce dernier, trois ans auparavant, laquelle caractérise une intrusion dans ce qui relève de l’intimité de M. X.
Il en déduit que l’atteinte à la vie privée et la malveillance qui l’accompagne sont dans ces conditions caractérisées.