QPC : droit de communication des organismes de sécurité sociale

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Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2015) et des articles L. 114-20 et L. 114-21 du même code (dans leur rédaction résultant de la loi du 19 décembre 2007), relatifs au droit de communication des organismes de sécurité sociale.

La requérante reproche de méconnaître le droit au respect de la vie privée à ces dispositions, qui régissent l’usage par les agents des organismes de sécurité sociale de leur droit d’obtenir communication de certains documents ou informations relatifs à des bénéficiaires de prestations ou à des assujettis à des cotisations sociales. Selon elles, les garanties apportées à l’exercice de ce droit de communication seraient insuffisantes, pour ce qui concerne les données bancaires et les données de connexion.
Elles dénoncent également le fait que ces agents ne sont tenus d’informer la personne contrôlée de la teneur et de l’origine des documents obtenus auprès de tiers que si une décision a été prise à son encontre sur le fondement de ces documents.
Pour les mêmes raisons, la requérante reproche au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa propre compétence dans des conditions qui affecteraient le droit au respect de la vie privée.

Dans une décision du 14 juin 2019, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles L. 114-20 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale.


En ce qui concerne l’article L. 114-20 du code de la sécurité sociale :

En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale.

En deuxième lieu, d’une part, en vertu de l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, il ne peut être fait usage du droit de communication que pour le contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des prestations servies par les organismes de sécurité sociale, pour l’exercice des missions de contrôle des cotisants aux régimes obligatoires de sécurité sociale et de lutte contre le travail dissimulé et pour le recouvrement de prestations versées indûment à des tiers.
D’autre part, ce droit de communication, qui n’est pas assorti d’un pouvoir d’exécution forcée, n’est ouvert qu’aux agents des organismes de sécurité sociale, lesquels sont soumis, dans l’utilisation de ces données, au secret professionnel.

En dernier lieu, la communication de données bancaires permet à titre principal aux organismes sociaux d’avoir connaissance des revenus, des dépenses et de la situation familiale de la personne objet de l’investigation. Elle présente un lien direct avec l’évaluation de la situation de l’intéressé au regard du droit à prestation ou de l’obligation de cotisation.

Si ces données peuvent révéler des informations relatives aux circonstances dans lesquelles la personne a dépensé ou perçu ses revenus, l’atteinte ainsi portée au droit au respect de la vie privée n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a assorti le droit de communication contesté de garanties propres à assurer, entre le respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée.

En revanche, compte tenu de leur nature et des traitements dont elles peuvent faire l’objet, les données de connexion fournissent sur les personnes en cause des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. Par ailleurs, elles ne présentent pas de lien direct avec l’évaluation de la situation de l’intéressé au regard du droit à prestation ou de l’obligation de cotisation.
Dans ces conditions, le législateur n’a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et la lutte contre la fraude en matière de protection sociale.

Par conséquent, l’article L. 114-20 du code de la sécurité sociale, qui concerne notamment les données bancaires et les données de connexion, doit être déclaré contraire à la Constitution.

En ce qui concerne l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale :

L’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale prévoit les conditions dans lesquelles la personne visée par l’exercice du droit de communication est informée de sa mise en œuvre. Il réserve l’obligation pour les organismes de sécurité sociale de procéder à cette information aux situations dans lesquelles la décision a été prise de supprimer le bénéfice d’une prestation ou de recouvrer des sommes réclamées.

Toutefois, l’objet d’une telle disposition étant de permettre à la personne contrôlée de prendre connaissance des documents communiqués afin de pouvoir contester utilement les conclusions qui en ont été tirées par l’organisme de sécurité sociale, l’absence d’information de la personne visée par l’exercice du droit de communication ne méconnaît pas, en elle-même, le droit au respect de la vie privée.

L’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.

Concernant les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, en l’espèce, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.
La remise en cause des mesures prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives.
Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.